En France, pour s’équiper en stand-up paddle race (mais aussi en SUP surf, prone paddleboard…), nous avons le choix d’acheter local. Ce choix s’appelle 3 Bay Paddle. 3 Bay Paddle est une entreprise Morbihannaise créée en 2015, que vous connaissez forcément déjà tant leurs boards ont envahi toutes les compétitions et rassemblement de SUPers aux quatre coins du pays. En plus d’être performantes, colorées et sur-mesure, ces planches sont surtout 100% Made In France ! C’est Patrice Remoiville, le créateur de l’entreprise, qui est lui-même le shapeur de vos boards depuis son atelier de Plescop, près de Vannes, avec la majorité des matières premières provenant de France et d’Europe. On vous propose de décrypter avec lui le Made In France : les enjeux, les valeurs, les avantages, les freins. On évoque aussi les pistes d’amélioration, la dimension écologique de produire en France, mais également le recyclage.
Bonjour Patrice ! Après nous avoir longuement parlé des spécificités du shape des planches de SUP Race dans un article toujours aussi passionnant à relire, aujourd’hui nous voudrions parler plutôt fabrication et en particulier le Made In France ! Le Made in France, c’est bien sûr dans l’air du temps depuis quelques années, mais chez 3 Bay c’est intrinsèque depuis longtemps. Est-ce que le Made In France a toujours été une valeur évidente pour toi ou bien est-ce que d’autres moyens de productions ont pu être envisagés ?
Le Made In France est dans l’ADN même de la création de l’entreprise 3 Bay Paddle.
Mon envie et mon objectif ont toujours été, depuis 2016, d’utiliser un maximum de matières premières et fournitures produites à proximité. J’ai poussé la logique tellement loin que même mon véhicule Citroën C5, que j’utilise pour tracter ma remorque fabriquée en France elle aussi, sort de l’usine Citroën de Rennes ! Ainsi, lorsqu’il s’agit d’achat de fourniture ou matériau, mon réflexe est de chercher des fournisseurs à proximité, en Bretagne, puis en France et enfin en Europe.
Lorsqu’une planche comme celles de 3 Bay est dite Made In France, ce sont quelles étapes de la production qui sont faites en France ?
Absolument la totalité de la production d’un SUP RACE 3 Bay Brush Carbone est assurée dans l’atelier 3 Bay, depuis le dessin modèle numérique et l’usinage du bloc de mousse polystyrène expansé jusqu’à l’emballage. Nous sommes fiers de pouvoir dire qu’un stand-up paddle 3 Bay sur-mesure est réalisé à 100% en France, en Bretagne, dans l’atelier de Vannes.
Photo : Catherine Dalberto
Quant aux matières premières, d’où proviennent-elles ?
Nous utilisons principalement les matières premières suivantes pour la fabrication d’un SUP Race et voici le pays dont elles proviennent :
Mousse de polystyrène expansé : Pays Basque Espagnol
Tissu de Fibre de Carbone et de Verre, Résine Epoxy : France
Colorants Epoxy : UK, Hollande et Italie.
Peinture : Allemagne
Vernis : Espagne
Boitiers d’ailerons FUTURES : Californie USA
Ailerons FCS, plug de leash, poignées de portage et deck pads : Chine
Valve de décompression, inserts de poignées : Espagne.
Photo : Catherine Dalberto
En résumé et en valeur, l’origine de nos matières premières de fabrication est :
France : 59 %
Europe : 34 %
Chine : 5%
USA : 2%
C’est un véritable travail au quotidien de trouver des fournisseurs les plus proches de l’atelier. Je fais une veille régulière, toujours à la recherche de nouveaux produits et fournisseurs, proposés au plus près de la Bretagne et je teste régulièrement de nouveaux tissus, colorants ou peintures, ou autre matière première.
Quels sont les avantages pour toi comme pour le client de produire Made In France ?
En tant qu’acheteur de matière première et accessoire, les approvisionnements en Europe ont l’avantage de pouvoir me permettre de faire des commandes en moindre quantité et dans des délais de livraison plus courts. La communication est aussi plus facile entre européens.
En tant que producteur, mes clients bénéficient d’un service, d’une fabrication sur mesure et d’une personnalisation de leur planche, dans des délais très courts (environ 2 mois). Mes clients peuvent aussi compter sur un SAV performant.
Il est évident que l’approche environnementale compte beaucoup pour moi. Réduire les distances des livraisons a un vrai sens de nos jours, pour réduire l’impact carbone et aussi les coûts liés. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à cet argument.
D’un point de vue économique, n’est-il pas plus logique de faire travailler des entreprises françaises ou européennes qu’à l’autre bout du globe ? Nous ne pouvons pas nous désoler de la fermeture de certaines usines françaises et, dans le même temps, acheter des biens produits à des milliers de km de chez nous lorsqu’une alternative française existe. Ce n’est pas logique. Et à ma petite échelle, j’essaie de faire travailler des producteurs au plus proche de mon atelier. C’est à mon sens vertueux pour le consommateur, l’écologie et l’économie.
J’espère un jour pouvoir acheter 100% de mes matières premières et accessoires en Europe, ou mieux, en France !
Avec les pénuries et l’augmentation des coûts des matières premières, mais aussi l’augmentation des coûts de l’énergie, est-ce que le Made In France a-t-il pu être remis en cause ?
Il n’aura échappé à personne, puisque je communique régulièrement à ce sujet, que les tarifs d’achat de toutes mes matières premières ont nettement augmenté depuis deux ans. Le pire est celui du polystyrène expansé qui a doublé depuis la crise COVID ! Mais le coût du transport aussi a explosé. Pour le moment le « Made in France » n’est pas remis en cause, au contraire, il a un vrai sens économique et écologique.
Pour l’énergie je m’en tire bien avec le tarif réglementé et l’investissement du changement de tout l’éclairage de l’atelier en LED réalisé ces deux dernières années. De nombreuses améliorations ont en effet été réalisées dans l’atelier pour être plus vertueux de ce point de vue-là.
Quels sont les autres freins à la production Made In France ?
Je ne vois personnellement pas de frein insurmontable à la production « Made in France », il s’agit avant tout d’une question de volonté et de stratégie d’entreprise. En revanche nous devons relever un certain nombre de défis comme beaucoup d’employeurs français. La pénurie de personnel qualifié est à prendre en compte et à ce titre je prends régulièrement des stagiaires en formation pour leur apprendre le métier et leur transmettre notre savoir-faire.
On peut aussi évoquer le problème du logement assez récent, dans la région de Vannes où se situe l’atelier. Depuis la crise Covid les prix ont flambé et il peut être difficile de se loger à prix raisonnable.
Du coup, sur le marché du neuf, comment expliques-tu que certaines planches sorties d’usine en Asie puissent couter plus cher qu’une planche 3 Bay sortie des mains du shapeur dans le Morbihan ?
3 Bay vend en direct, du producteur au consommateur contrairement aux autres marques de SUP Race, qui ont plusieurs intermédiaires prenant leur marge, entre la fabrication et la distribution.
Je vais illustrer mon propos en prenant un exemple, avec des chiffres approximatifs.
La marque internationale X, fait réaliser ses designs à un sous-traitant en Thaïlande, Vietnam ou Chine.
Elle achète à ses sous-traitants qui l’ont fabriqué un SUP Race de 14’ au prix de 900 $.
Il faut ensuite ajouter les frais de transport maritimes (et qui ont explosé pendant la période Covid) et ils peuvent représenter jusqu’à 300 $ par SUP Race de 14’.
Ensuite, la marque internationale X vend à un distributeur national Y, ce même SUP Race au prix 1 700 €.
Le distributeur national Y revend ensuite le SUP Race à un détaillant (Le Surf Shop), au prix de 2 600 €.
Le détaillant va essayer de faire une marge de 1,4 soit 3 640 € HT + TVA dû à l’Etat français environ 728 € et on arrive au prix de vente public 4 368 € TTC.
Ainsi quand mon tarif de base d’une 14’ est maintenant de 3.600 €, on voit que mes concurrents vendent souvent à bien plus de 4 000 €
Et je n’ai pas évoqué ici les frais de publicité, de sponsoring, les salaires des coureurs (dont on espère qu’ils feront les meilleurs résultats possibles).
Chez 3 Bay, vous poussez le Made In France jusqu’à faire du Recyclage In France puisque vous recyclez les chutes de mousse produites en réalisant le shape de la planche. Comment cela se passe-t-il et à quoi servent-elles ?
Depuis environ un an, avec l’envolée du tarif du polystyrène expansé, le recyclage des chutes de la découpe et du shape de cette matière première a pris beaucoup de valeur sur le marché mondial.
Le leader européen du secteur : KNAUF, a installé en Morbihan le programme de recyclage KNAUF CIRCULAR de collecte et de recyclage, dans son usine des environs de Redon.
Je leur achète des sacs d’1 m3 de collecte pour 6 € pièce et dès que j’en ai au minimum 20 devant l’atelier, ils envoient un camion. La matière sera alors traitée chez eux afin de mouler de nouveaux blocs ou des pièces de calage pour l’emballage. C’est vraiment un plus d’un point de vue environnemental.
Y-a-t-il d’autres matières extraites de la fabrication des planches, ou même des boards en fin de vie, qui peuvent être recyclées ?
Le recyclage des chutes de tissus de fibre de Carbone, même souillées de résine epoxy est en train de se mettre en place progressivement. Une usine de traitement est en cours d’installation en Loire-Atlantique à proximité de l’aéroport de Nantes et je suis impatient de pouvoir lui envoyer mes déchets. L’acétone, solvant indispensable à la fabrication est aussi collecté en déchetterie, localement. Je suis de près ce dossier et j’espère pouvoir faire encore progresser 3 Bay Paddle sur ce point.
Je te laisse le mot de la fin ?
Nous sommes presque tous motivés pour nous nourrir, nous habiller, nous distraire de produits et d’équipements Made In France, cela ne fait plus aucun doute. Nous nous désolons de la fermeture d’usines ou enseignes française et de la délocalisation à l’autre bout de la planète. Nous souhaitons tous un environnement meilleur et moins pollué.
Même s’il est impossible de consommer du 100% made in France dans notre vie de tous les jours car certaines productions n’existent plus et des savoir-faire ont même disparu, je pense que nous devons le faire à chaque fois que cela est possible
Il faut soutenir ce mouvement et les entreprises françaises qui osent et se démènent pour y arriver. Je crois qu’il en va de la survie de notre pays, de notre modèle économique et de notre bonne vieille Terre.
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