Virginie Louppe, amatrice de sports de glisse depuis son plus jeune Ăąge, souffre d’un handicap lâempĂȘchant de pratiquer ces sports comme elle le souhaite. Le SUP, qui est une exception, est devenu sa passion. Virginie n’est pas seulement une grande rideuse, c’est aussi une battante qui fait tout pour dĂ©velopper le Handi SUP à travers de multiples actions.
 
Peux-tu nous parler de ton parcours de paddler et de ton handicap?
Jâai Ă©tĂ© initiĂ©e aux sports de glisse trĂšs tĂŽt puisquâĂ 2 ans jâai Ă©tĂ© mise sur des skis. Jâai trĂšs rapidement Ă©tĂ© entraĂźnĂ©e sur des slaloms, saut Ă ski, prise de vitesse et beaucoup de bodyboard.
Ă 12 ans mon genou sâest mis Ă enfler, je ne pouvais plus marcher, les mĂ©decins mâont diagnostiquĂ© un cancer de lâos Ă la jonction entre lâarticulation du genou et du fĂ©mur droit. AprĂšs neuf mois de chimiothĂ©rapie jâai guĂ©ri mais il a fallu me retirer la partie de lâos qui Ă©tait abĂźmĂ©e . Ils mâont donc enlevĂ© la totalitĂ© de lâarticulation du genou droit et coupĂ© la moitiĂ© du fĂ©mur, quâils ont remplacĂ© par une prothĂšse totale.
Ils ont dĂ» Ă©galement me couper une partie de mon quadriceps afin dâĂ©viter les risques de contamination. Ces interventions ont entraĂźnĂ© une perte de flexion limitĂ©e Ă 45 degrĂ©s, une masse musculaire trĂšs rĂ©duite, des difficultĂ©s dâappuis sur ma jambe droite et des crises de douleurs inflammatoires avec gonflement de la jambe qui sont dĂ©clenchĂ©es Ă la suite de certaines postures ou de certains efforts.
Ces crises me rendent la marche impossible et mâimposent des pĂ©riodes dâalitement qui peuvent aller jusquâĂ 3 voir 4 mois. Jâarrive aujourdâhui Ă en dĂ©terminer Ă peu prĂšs les facteurs dĂ©clencheurs et Ă les anticiper. En 2002, suite Ă la pose dâune quatriĂšme prothĂšse, je me suis fracturĂ©e le fĂ©mur au dessus de la tige de la prothĂšse. Jâai du subir 2 greffes osseuses et je suis restĂ©e 3 ans en fauteuil et en bĂ©quilles.
La pratique du sport est essentielle pour moi car elle me permet dâentretenir une masse musculaire dĂ©jĂ rĂ©duite. Jâai souhaitĂ© continuer Ă pratiquer des sports de glisse contre lâavis des mĂ©decins inquiets. Jâai testĂ© plusieurs disciplines dont le windsurf mais câĂ©tait rĂ©ellement frustrant car jâĂ©tais toujours limitĂ©e en marge de progression.
Quand il nây avait pas de vent le moniteur nous emmenait en SUP, jâai adorĂ© et depuis je ne peux plus mâen passer, c’est devenu une vraie passion. En 2012 je suis tombĂ©e sur un article sur le Nautic SUP Paris Crossing et jâai eu un flash de tous les projets que je devais mener sur le Handi SUP. Jâai eu la chance de pouvoir entrer en contact avec l’organisateur, Didier Lafitte Ă qui j’ai parlĂ© de mes projets.
Il mâa beaucoup accompagnĂ© dans le dĂ©veloppement des projets Handi SUP depuis 2013. Le Nautic SUP Paris Crossing a Ă©tĂ© ma 1Ăšre compĂ©tition de SUP Race et mâa tellement transportĂ©e que jâai mis 1 mois pour redescendre.
Depuis jâai attrapĂ© le virus. Jâaime ĂȘtre dans lâeffort et ces compĂ©titions me permettent de me dĂ©passer, une maniĂšre de continuer Ă me battre contre cette maladie qui mĂȘme si jâen suis guĂ©rie mâa laissĂ© des sĂ©quelles importantes. Au travers des compĂ©titions je retrouve confiance en moi et en mon corps.
Lorsque jâĂ©tais Ă lâhĂŽpital ce qui mâa aidĂ© Ă tenir bon et Ă mâen sortir câĂ©tait de regarder les compĂ©titions Handi sport Ă la tĂ©lĂ© en me disant moi aussi jây arriverai ! Aujourdâhui câest cette impulsion cette force de vie que je souhaite transmettre aux personnes qui sont malades ou en Ă©tat de faiblesse. Je veux leur dire que câest possible et qu’eux aussi peuvent le faire.
Dans cette intention je nâai cessé de dĂ©velopper le Handi SUP. Jâai créé une section sportive SUP dâentreprise, jâai ouvert la 1 Ăšre base nautique dâentreprise dâIle-de-France Handi. Jâai tout mis en Ćuvre pour dĂ©velopper les catĂ©gories Handis sur les compĂ©titions. Jâai créé une association SUP LAB afin de favoriser le dĂ©veloppement du Handi SUP.
Quelle est ton implication au niveau de la commission de Handi Surf?
Suites aux actions que jâavais engagĂ©es dans le Handi SUP, Jean-Marc Saint Geours, Directeur Fondateur de lâAssociation Handi Surf et PrĂ©sident de la Commission Handi Surf de la FFS, mâa proposĂ© de rejoindre la Commission Handi Surf de la FFS afin de travailler sur le dĂ©veloppement des catĂ©gories pour les personnes en situation de handicap sur les compĂ©titions officielles de la FFS.
Jâai donc Ă©tĂ© nommĂ©e Ă la Commission en juillet 2016. Ă ce titre je devais Ă©tablir un Ă©tat des lieux en matiĂšre de handicap sur les compĂ©titions officielles FFS, afin que la Direction Technique nationale puisse mettre en place un projet officiel de catĂ©gories Handi SUP sur la pĂ©riode 2017-2020.
Je suis Ă©galement intervenue sur des Ă©tapes de Coupe de France afin dâamĂ©nager des catĂ©gories Handi SUP. Jâai notamment mis en place un classement Handi sur la Summer Cup de la Baule en juillet 2016.
Suite Ă la proposition de Serge Lougarot dâintĂ©grer lâĂ©quipe de France Handi Surf sur une catĂ©gorie de surf couchĂ© au cours de lâannĂ©e 2016 et au blocage des dossiers de 3 compĂ©titeurs Handis sur des critĂšres subjectifs Ă©tablis par lâISA, je participe Ă une rĂ©flexion sur les critĂšres de catĂ©gories Handi Surf.
Afin de bien comprendre la situation, pour participer Ă ces championnats les compĂ©titeurs dĂ©posent des dossiers rĂ©pondant Ă des critĂšres de handicap trĂšs prĂ©cis, mais il est spĂ©cifiĂ© que lâorganisation se rĂ©serve le droit de retenir des critĂšres subjectifs dans lâapprĂ©ciation des dossiers.
Ma question est la suivante : ce type de critĂšres existent-ils ou seraient-ils acceptĂ©s sur une compĂ©tition pour valides ? LâidĂ©e de ce travail est dâĂ©tablir une Ă©galitĂ© de chance dans la performance sportive pour toute personne en situation de handicap et dâĂ©viter le piĂšge de la discrimination sur le handicap. Ce travail est dâautant plus important maintenant que le surf est reconnu discipline olympique, il faut prĂ©parer les Jeux paralympiques !
Quelles sont les actions menées par la commission Handi Surf ?
Le SUP étant rattaché à la Fédération Française de Surf, la commission Handi Surf se charge également du développement du Handi SUP.
Ă ce titre un Ă©tat des lieux a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© sur toute lâannĂ©e 2016 et un travail de rĂ©flexion sur les catĂ©gories est en cours que nous devons mener en lien avec la Direction Technique Nationale.
Ă lâoccasion du Championnat de France Ă Hossegor en octobre 2016, 3 titres de Champion de France Handi SUP RACE ont Ă©tĂ© remis dans 3 catĂ©gories de handicap diffĂ©rentes : SĂ©bastien Le Meaux, LoĂŻc Cros et moi mĂȘme. Le projet fĂ©dĂ©ral prĂ©voit une mise en place officielle des catĂ©gories dâici 2020.
Peux-tu nous parler plus en dĂ©tail du groupe d’entraĂźnement Handi Surf qui a Ă©tĂ© mis en place ?
Cela a Ă©tĂ© mis en place par l’association nationale Handi Surf sur une idĂ©e gĂ©niale : RĂ©unir des moniteurs qui pour valider leur diplĂŽme dâencadrant Handi Surf doivent rĂ©aliser des heures dâencadrement et un groupe de surfeurs handis qui souhaitait bĂ©nĂ©ficier dâentraĂźnement Handi Surf en vue des compĂ©titions nationales, des championnats du monde Handi Surf et dans un horizon un peu plus lointain pourquoi pas les Jeux paralympiques.
Ces entraĂźnements ont lieu une fois par semaine et sont lâoccasion dâĂ©changer et de travailler sur les catĂ©gories. Câest un groupe trĂšs convivial et cela mâa permis de rencontrer des personnes extraordinaires et de partager des supers moments sur lâeau !
Qu’est-ce que SUP Lab et quels sont les projets de l’association?
SUP Lab est le raccourci de « Stand Up Paddle Laboratory ». Jâai souhaitĂ© faire rĂ©fĂ©rence ici Ă un laboratoire dâidĂ©es. Lâobjet de cette association de type association de loi 1901 est de rassembler des personnes afin de mener une rĂ©flexion en commun, sur lâĂ©volution Ă donner Ă la discipline du SUP selon 2 axes de travail :
1. Mener des rĂ©flexions sur les orientations et lâĂ©volution Ă donner Ă la discipline sportive du Stand-Up Paddle.
Par exemple : dans le domaine de la diversitĂ© (handicap : accessibilitĂ© sur les Ă©vĂ©nements, adaptation des formats de compĂ©tition, dĂ©veloppement des classements Handi SUP sur les compĂ©titions – paritĂ© homme, femme
dans le SUP) et de lâĂ©cologie.
2. Promouvoir et mettre en Ćuvre des actions afin de permettre le dĂ©veloppement des orientations dĂ©finies.
Par exemple : actions de communications, participation Ă des Ă©vĂšnements au nom de lâassociation, rĂ©colte de fonds, crĂ©ation dâĂ©vĂšnements, action de sensibilisation, projets sportifs.
En tant que paddler, quels sont tes objectifs futurs ?
En SUP je souhaite continuer mon combat jusquâĂ ce que les catĂ©gories Handis soient officiellement intĂ©grĂ©es au RĂšglement FĂ©dĂ©ral de la FFS, avec des catĂ©gories clairement Ă©tablies afin dâĂ©viter le risque de discrimination sur le handicap, des critĂšres dâaccessibilitĂ© des sites de compĂ©tition dĂ©finis et que les formats de course puissent ĂȘtre adaptĂ©s.
Il me semble essentiel de tenter de ne pas sĂ©parer les compĂ©titeurs handis dâun cĂŽtĂ© et les valides de lâautre. Mon objectif est de pouvoir me qualifier cette annĂ©e sur les championnats de France en 14â et en 12â6.
Mes objectifs dĂ©passent aujourdâhui le SUP, puisque je mâentraĂźne Ă©galement en Handi Surf pour pouvoir le pratiquer en compĂ©tition. Depuis lâannonce le 2 aoĂ»t dernier de lâintĂ©gration du surf comme  discipline olympique, je me surprends Ă rĂȘverâŠ
Je rĂ©flĂ©chis Ă©galement Ă des projets dâexpĂ©dition qui auraient plus de portĂ©e que les compĂ©titions Ă mon sens. Ă terme je souhaiterais crĂ©er ma sociĂ©tĂ© de sensibilisation handicap par le sport, câest pour cette raison quâau mois de janvier jâai dĂ©mĂ©nagĂ© en rĂ©gion Bordelaise ce qui va me permettre Ă©galement dâintensifier mes entraĂźnements !
En ce qui concerne l’objectif Ă terme des jeux paralympiques, j’ai pu ĂȘtre intĂ©grĂ©e Ă l’Ă©quipe Handi Surf qui a rĂ©alisĂ© une dĂ©monstration Handi Surf lors des Championnats du Monde Ă Biarritz, organisĂ©e par l’association Handi Surf avec la FFSurf.
J’aimerais juste terminer cette interview en disant que dans le combat que je mĂšne jâai Ă©tĂ© amenĂ© Ă douter face Ă Â lâindividualisme chevronnĂ© de beaucoup dâathlĂštes handis qui plutĂŽt que dâĂȘtre dans une dĂ©marche de rassemblement prĂ©fĂšrent mener un combat dâego ce qui affaiblit considĂ©rablement les initiatives et la portĂ©e du mouvement.
Mais aussi au dĂ©sintĂ©rĂȘt complet dont font preuve une bonne partie des acteurs du SUP et du Surf en ce qui concerne lâintĂ©gration du handicap dans ces disciplines. Je souhaite donc faire passer un message Ă tous les athlĂštes Handi Surf et Handi Sup : « Nous pouvons rĂ©ussir si nous nous rassemblons ! »