La semaine dernière, le dimanche 9 juin, avait lieu la Tarn Water Race, la mythique descente du Tarn à la rame dans des paysages à couper le souffle. Pour cette édition 2024, les lois de la météo ont une nouvelle fois été dures avec les organisateurs, qui ont du faire preuve d’une grande capacité d’adaptation face au risque orageux annoncé pour l’après-midi. Qu’à cela ne tienne ! Après un samedi dédié aux kids, la course est lancée le dimanche matin pour un 31km plein d’émotions. Pour TotalSUP, Emmanuelle Marcon, victorieuse de cette édition, raconte en détail sa descente. Résultats complets en fin d’article !
Photo : Faustine Costes
Salut Emmanuelle, bravo pour ta victoire à la Tawara 2024 ! Une édition un peu spéciale car l’organisation a dû s’adapter au risque orageux… Comment ça s’est passé ?
Merci TotalSUP !
La météo annonçait des orages l’après-midi de la TaWaRa, depuis environ une semaine… mais je me disais que la prévision pourrait changer d’ici là. Dans la semaine, sur Messenger, des informations ont commencé à circuler disant que la course pourrait être raccourcie. Enfin, deux jours avant, un mail et un post Facebook de l’organisation parlent officiellement d’une course potentiellement raccourcie. J’espérais une fin vers Millau, permettant de faire environ 50 km.
Arrivés au retrait des dossards la veille à 14h, nous apprenons que la distance sera soit de 18 km soit de 31 km, en fonction de la météo. Sur le coup, c’est vraiment la grosse déception… je croise les doigts pour qu’on puisse faire au moins les 31 km, car 18, ça serait vraiment frustrant.
Rien n’est modifié pour les navettes, car tout le monde s’est déjà organisé pour dormir soit en haut, soit en bas à la fin des 80 km (Saint-Rome de Tarn). Personnellement je n’avais pas très envie de prendre la navette à 5h30 le matin de la course. Comme je suis venue en covoiturage, je n’avais pas de voiture à gérer, j’ai donc loué une tiny house au camping Yelloh Village à 2 km en amont de la course, avec mise à l’eau dans le camping. C’est Lucile, la femme d’Olivier Quibert, qui le suit en voiture pendant sa course, qui va me descendre mes affaires.
Photo : Lucile Quibert
Après le retrait des dossards, l’après-midi se passe en repérages des points stratégiques de la course (la plage de départ, le débarquement du Pas de Soucis, le réembarquement dans un camping…) et en préparation du matériel (plus besoin de partir avec un sac étanche contenant toute ma nourriture).
On se couche sans savoir encore quelle distance on fera le lendemain. A 6h30 au réveil, le manque de réseau dans le camping ne nous permet pas de voir le post Facebook de l’orga, heureusement Astrid l’a relayé par Messenger qui passe mieux : ça sera 31 km. Hourra !!!
Concernant les orages, dimanche après-midi, quand nous roulons pour rentrer à la maison, nous essuyons sur la A75 de sacrés orages, averses… dont un énorme orage de grêle qui laisse une bonne couche de neige sur l’autoroute et même à l’intérieur d’un tunnel, occasionnant 40 minutes de coupure de l’autoroute. Donc c’était vraiment la bonne décision de raccourcir la course.
Photo : Faustine Costes
Cette portion de 31km, c’est quand même un joli condensé de la Tawara : le départ de Saint-Chély, les gorges du Tarn, le fameux portage du Pas-de-Soucis, des glissières… Tu nous racontes un peu le parcours ?
Sur le Tarn, J’ai fait la TaWaRa en 2021 puis un stage de SUP rivière en 2022. A chaque fois que je viens, je m’émerveille de la beauté de ce site. Sur tout le parcours, l’eau est transparente, on peut voir parfois des truites nager. De magnifiques et hautes falaises entourent la rivière, des vautours planent dans le ciel, les rares constructions qu’on voit sont de jolis bâtiments en pierre… Malheureusement je n’ai pas eu trop le temps de regarder le paysage !
Mais regarder le plan d’eau est aussi super intéressant, il se passe tout le temps quelque chose : un rapide à passer, un courant à aller chercher, un rocher ou un arbre à éviter… on ne s’ennuie jamais et le mental est toujours “focus”.
La première partie jusqu’au Pas de Soucis, 18 km donc, est peu profonde, les rapides sont tout doux, plutôt des gravières en fait. Ils sont pour la plupart assez faciles à passer debout même quand on n’est pas spécialiste du SUP rivière.
Photo : Faustine Costes
Sur cette partie, juste avant la Malène, il y a un seuil en pierre sur toute la largeur de la rivière, d’environ 1 mètre de haut. Je vois un kayak qui passe le seuil, la personne en sécu me dit “ça passe”, mais quand j’arrive devant le seuil, je vois les grosses pierres et le peu d’eau dessus, et là je me dis “non ça ne passe pas avec mon aileron” et je fais un “refus d’obstacle” ! Ma planche est plus ou moins déjà embarquée sur la pente, mais la personne de la sécurité m’aide à la récupérer, et je descends le seuil en portant. Je constate que beaucoup d’autres SUP ont choisi cette solution, sur d’autres parties du seuil qui est très large.
A 18 km c’est le débarquement du Pas de Soucis. Et ce point est beaucoup plus stratégique que l’on ne pourrait croire. Pour ma part j’ai cadenassé la veille un petit chariot à un arbre, j’y attache rapidement ma planche et j’attaque la montée du chemin. C’est cardio mine de rien ! Cela me permet de marcher plus vite que ceux qui portent leur planche à la main. Pascal Blanc, l’ultra trailer reconverti au SUP, qui a débarqué derrière moi, court avec son chariot et rapidement je ne le vois plus (il gagnera de nombreuses places au scratch grâce à cela). Après une marche sur la route qui semble interminable, malgré le fait qu’elle soit en descente, je laisse le chariot en haut du camping, je descends les escaliers et les murets du camping et je réembarque.
Photo : Lucile Quibert
Après un grand plat, j’aperçois au loin un kayak qui soudain disparaît. Je réalise que c’est un toboggan à passer. Je l’ai déjà passé en 2021, je me mets à 4 pattes sur ma planche, ça glisse… mais mon aileron accroche et je termine dans l’eau en bas du toboggan ! Ca sera mon premier bain. Ensuite je redécouvre que cette deuxième partie de la rivière est beaucoup plus technique, avec des rapides plus gros, plus complexes, dont certains entre des gros blocs de rochers. C’est vraiment super varié, pas une seconde je m’ennuie. Je vois l’ancien pont cassé du Rosier, suivi du nouveau pont, je sais que l’arrivée n’est pas loin. Enfin c’est l’arrivée ; comme au départ il y a de l’ambiance sur la plage, avec musique et speaker, et ça c’est génial !
Alors oui c’est sûr, on a fait la plus belle partie de la rivière (32 km sur nos montres). Je regrette de ne pas avoir fait le stade d’eaux vives de Millau qui est vraiment fun, passer sous le Viaduc de Millau ça aurait été très impressionnant aussi, par contre c’est une partie du Tarn qui est beaucoup plus plate et là il faut le mental !
Photo : Exo Dams
Côté sportif, tu as dû faire face à une grande habituée de la course, Astrid de Préville, et à une jeune spécialiste de la rivière, Olympe Vernède. Comment s’est passée la bataille sur l’eau ?
Après la cohue du départ, assez rapidement je me retrouve derrière Olympe et Astrid. Au premier rapide en virage, Astrid chute, ce qui me permet de lui passer devant. Ensuite toute la première partie, mon objectif va être de ne pas lâcher Olympe, grande spécialiste de la rivière, qui de plus court en planche rigide. Malgré les aléas (mon aileron qui touche dans les gravières), j’arrive à rester entre 5 et 30 mètres derrière Olympe. Je ne sais pas si Astrid est loin derrière ou pas car je n’ai pas le temps de me retourner !
Arrive ensuite le Pas de Soucis. Je débarque juste après Olympe. Elle devait au départ faire la course en relais et a changé la veille pour le solo, aussi elle n’a pas eu le temps de préparer son portage et porte à la main. Très rapidement je lui passe devant et je ne la vois plus derrière moi.
Ensuite je fais toute la deuxième partie de la course plus ou moins seule, je me retourne de temps en temps mais je ne vois personne derrière. Néanmoins je ne lâche rien jusqu’au bout car je me doute que Olympe et Astrud ne doivent pas être très loin et peuvent éventuellement me remonter. Elles arrivent environ 3 minutes après moi, après une belle bataille entre elles.
Photo : Lucile Quibert
Avec toutes les pluies printanières, le Tarn devait être bien glissant ! Tu as eu une bonne vitesse ? Comment se sont passés les rapides ?
Le Tarn avait un niveau très correct en effet. Néanmoins, après avoir fait une Dordogne Intégrale à environ 500 m3/s le mois dernier, j’avais l’impression que le Tarn était très peu profond et coulait tout doucement ! Ma vitesse moyenne a été de 9,7 km/h, contre 8,8 km/h en 2021, mais c’est difficile à comparer car il y avait 80 km en 2021, et j’avais une planche plus large. A titre d’information, j’ai fait environ 12 km/h sur mes deux marathons de l’Ardèche et 11,5 km/h sur mes deux DI à débit “normal”. Donc le Tarn n’est pas une rivière très rapide. Mais elle est néanmoins très variée et joueuse !
Sur la première partie, peu profonde et aux rapides relativement facile, j’entends régulièrement l’aileron relevable d’Olympe qui fait “tac tac tac” en heurtant le fond. Pour ma part j’étais en aileron souple. Cette année j’ai testé un nouvel aileron de rivière qui a un peu plus de surface donc de stabilité, par contre il était encore un peu trop long et j’ai touché le fond assez souvent. A chaque fois je devais donc me mettre à genoux sur l’avant de la planche, et même une fois marcher dans l’eau en traînant la planche. Mais la plupart des rapides et gravières avec suffisamment de fond, je les ai passés debout.
Photo : Lucile Quibert
Sur la deuxième partie beaucoup plus technique, je n’avais plus de problème d’aileron qui touchait, car il y avait plus d’eau. Les rapides sont assez “manœuvriers”, il faut slalomer entre les rochers. Et les vagues en sortie de rapides sont plus grosses. J’ai passé plusieurs rapides à genoux, ou commencé debout et terminé à genoux, car je craignais les chutes sur les rochers.
Au rapide de la Sablière, le seul rapide de classe 3, je me rappelle qu’à la fin il faut sortir à droite, d’ailleurs le kayakiste en sécu en bas du rapide me l’indique… mais je prends à droite trop tôt. Je fais bisou à un rocher et là c’est ma deuxième chute, je dévale le courant, je perds ma planche qui descend moins vite que moi… heureusement, la sécu est au top, un kayakiste vient m’apporter ma planche.
Photo : Lucile Quibert
Tu avais fait le choix de quelle planche pour descendre le Tarn ?
En 2021 j’avais fait la course en gonflable 14×26, c’était stable, mais trop large pour mon gabarit sur les parties calmes. J’avais donc en prévision acheté une Starboard Airline d’occasion en 14×24. Cette planche est vraiment top, polyvalente, stable, légère.
Je pense qu’il faudrait aussi un aileron relevable, mais c’est difficile à installer sur une planche gonflable qui n’est pas prévue pour ça au départ. Donc la prochaine fois ça sera mini-aileron très souple en plastique orange.
Photo : Lucile Quibert
As-tu pu profiter des environs de la course pour faire un peu de tourisme ?
Cette année je n’avais pas le temps de faire du tourisme, mais j’en ai fait plusieurs fois à d’autres occasions, cette région est absolument magnifique !
Photo : Lucile Quibert
Et pour finir, tu re-signes pour l’an prochain ?
Oui à 100% ! En espérant qu’entre les problèmes de manque d’eau et les orages, cette fois on ait la nature avec nous ! Merci aux organisateurs pour ce superbe événement qui rassemble des pagayeurs de tous les niveaux (dont pas mal de femmes, ce qui n’est pas si courant sur les ULD), dans un cadre magnifique et une super ambiance.
Photo : Lucile Quibert
Alors on s’y verra ! Merci Emmanuelle pour tes réponses !
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