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Downwind épique pour les Teulade Brothers

Les Teulade Brothers, Jérémy et Ludovic Teulade, ont lancé leur projet “The Ultimate Downwind” le 12 mai 2019 dans des conditions épiques. Les riders de la team Owbow s’étaient donné comme défi de relier la Corse depuis la France. Ils ont réussi à faire plus de 70km dans des conditions dantesques, jusqu’à 50 noeuds de vent et 5 mètres de houle. Ils reviennent pour nous sur leur incroyable aventure. Crédit Photos: Greg Rabejac

Bonjour Jéremy, bonjour Ludovic, vous êtes rentrés de votre expédition il y a une quinzaine de jours, comment allez vous ?

Salut, nous allons super bien, nous nous sommes déjà replongés dans les compétitions notamment celles de l’Eurotour. Nous rentrons juste d’Alicante et nous repartons pour « Cap de Creus Sup Challenge » toujours en Espagne ce weekend. Il y a eu un petit moment de fatigue ressenti après notre aventure mais, nous sommes désormais complètement ressourcés.

Dimanche 12 mai, la fenêtre s’annonçait intéressante pour lancer The Ultimate Downwind. Comment se sont passés les derniers préparatifs ?

Mercredi 8 mai nous avons confirmé à toute l’équipe que nous allions lancer “The Ultimate Downwind ” le dimanche qui suivait. Vendredi 10 mai, nous avons terminé de rassembler le matériel, passé les derniers coups de téléphone puis nous avons pris la route pour rejoindre le port de la Ciotat. Nous avons récupéré le bateau et accueilli l’équipe. Cette dernière était composée de Julien Campana, Nicolas Mamzer / tous les deux skippers, Valere et Philippe Caneri, cadreurs Horue Movie, Greg Rabejac photographe et enfin Corentin Lauret community et team manager Oxbow.

Le samedi nous nous sommes levés tranquillement et nous avons mis les voiles vers l’ouest pour pouvoir nous entrainer une dernière fois avec un bon 30 nœuds. Nous souhaitions nous mettre dans les conditions pour ôter le plus d’incertitudes possibles, surtout concernant la prise de relais. Le soir même, nous avons réalisé un live pour expliquer comment allait se dérouler la journée de dimanche. Nous avons reçu de nombreux messages d’encouragement, c’était top pour finir de nous motiver, nous savions qu’une communauté allait suivre notre expérience. Nous étions vraiment bouillants, surtout que le vent ne cessait de se renforcer, après avoir mangé un bon repas, nous avons discuté des derniers préparatifs et avons bien rigolé en se racontant de petites anecdotes avec l’équipe, c’était super pour évacuer le petit stress que nous ressentions depuis le début de la matinée. Enfin, vers 23h nous sommes allés nous coucher car, nous allions dormir 4h minimum. La nuit a été agitée, le vent soufflait vraiment fort. Au réveil, Julien le skipper nous a avoué que durant la nuit il avait pensé à annuler la traversée au vu des rafales. Au réveil, le vent s’était un peu calmé, nous avons donc pris le départ.

Jérémy, tu as l’honneur d’avoir lancé l’aventure en ramant en 1er, peux-tu nous raconter comment ça s’est passé ?

Je me suis levé focus sur ce que je devais faire et ne pas faire, ramer efficacement, sans trop puiser dans les réserves,  j’avais cet objectif en tête pour la journée. J’adore ces moments là, où l’on se sent vraiment vivre. Écouteurs aux oreilles, je me suis mis de la musique, style musique de film, hyper motivante et je me suis passé en mode “compet”, dans mon truc, transcendé par la musique et ce qu’on allait réaliser. On y était enfin.

La mise à l’eau a été plus difficile que ce que je ne pensais. Il faisait encore quasiment nuit noire vers 5h30, les premières lueurs du jour faisaient leur apparition. Le fait de se jeter à la mer comme ça, je savais qu’elle était fraiche,  était assez effrayant. Je me suis mis sur le bord du bateau prêt à sauter, Ludovic et Nicolas, avaient la planche en main et devaient la jeter quelques secondes avant que je plonge. J’ai crié un petit décompte 3,2,1 GO et hop j’ai sauté, j’ai directement attrapé la planche et mis mon leash, tout le monde a crié, c’était un moment fort en émotions.

Peux-tu évoquer à quel moment tu décides de passer le relai à ton frère ?

Après avoir ramé 2h30 et réalisé une trentaine de kilomètres, j’ai décidé de passer le relais à Ludo car je savais qu’il fallait se conserver et ne pas trop puiser dans nos réserves dès le début. J’aurais pu continuer mais nous nous étions dit max 2h / 2h30 chacun. De plus, je commençais à sentir mes jambes qui avaient connu des eaux très mouvementées et croisées durant la première heure. J’ai donc décidé que c’était au tour de Ludo de s’éclater dans une grosse houle !

 

Ludovic, à quoi pensais-tu quand tu regardais ton frère ? Comment s’est passé ton relais ?

Sur le voilier, nous étions obligés de rester dehors sur le cockpit donc j’étais avec toute l’équipe en train de regarder Jérémy, bien couvert pour ne pas attraper froid. Au début, j’étais un peu stressé car, il y a eu un petit problème de balise et le vent tardait à monter. Au fur et à mesure, Jéremy a commencé à dérouler et à super bien surfer. Je voyais bien que la houle était croisée et qu’il fallait avoir un très bon jeu de jambes. Avec le casque radio, j’échangeais avec « Jé », on criait lorsqu’il prenait un bumps. La première heure, c’était l’excitation puis j’ai su qu’il fallait que je commence à me calmer pour me reposer pour prendre un bon relai.

La prise de relais s’est faite comme convenu après 2H de rame.  C’était tendu,  il y avait beaucoup de vent et la houle commençait à être bien grosse et à déferler. Il fallait choisir le bon moment. Jérémy essayait de s’approcher le plus possible du bateau à genoux (à environ 5m), moi j’étais allongé sur le sled, trainé par le voilier. Quand il a été assez proche, je me suis jeté à l’eau avec un palonnier et je montais sur la planche. L’étape d’après était la plus dure,  nous devions échanger simultanément le leash contre le palonnier il fallait faire vite pour ne pas que le bateau ne s’éloigne trop et tire fort sur le palonnier. Mais tout s’est bien passé, j’ai accroché mon leash et je me suis vite mis debout pour commencer à ramer.

J’ai eu un peu de mal à me mettre dans le rythme au début. D’abord parce que commencer directement dans 50 nœuds de vent et 4m de houle ce n’était pas facile et ça ne m’étais jamais arrivé. Ensuite parce que j’étais complètement en adrénaline et je suis parti super fort, comme si c’était une course de 10kms. Au bout de 30min, je me sentais mieux et j’étais plus relâché, je commençais à bien maitriser la planche et le gouvernail dans les conditions du jour.

Ma partie a été incroyable, je ne faisais que surfer, de très bons bumps, parfois des longs trains qui me permettaient de surfer non-stop pendant une petite minute. J’ai eu 2 descentes incroyables où j’ai dû me mettre totalement à l’arrière de la planche comme si je partais sur une grosse vague en gun, c’était fou. Il y avait une énorme houle croisée avec de très gros bumps de vent. Je partais sur les bumps de vent, au fur et à mesure que je prenais de la vitesse je pouvais passer sur des plus gros et ensuite j’utilisais le gouvernail pour me mettre dans l’axe de la houle et surfer ces gros trains. Au bout de 2 heures, on m’a dit que Jérémy ne se sentait pas bien, je me sentais en forme donc ça ne me gênait pas de continuer. Au final j’ai fait plus de 3H et plus de 40kms ! Je me sentais vraiment bien sur l’eau, c’était tellement bon de se retrouver perdu dans cette mer déchainée à surfer non-stop ! Le bateau n’était jamais loin, maximum 300m, ce qui me rassurait bien et me donnait confiance.

Durant le relai de ton frère, tu le surveilles depuis le bateau, comment ça se passe ?

Jérémy: Quand j’étais sur le bateau, j’observais Ludo s’éclater au fur et à mesure que la houle grossissait, tout se passait très bien. Avec les conditions engagées qui nous étaient proposées par la mer, j’ai fait le choix de ne pas enlever ma combinaison, qui était mouillée, afin d’être le plus réactif possible au cas où Ludovic avait un souci. De plus le bateau bougeait tellement que je ne pouvais pas aller me changer à l’intérieur du bateau sous peine d’attraper le mal de mer. J’ai donc commencé à avoir froid, puis vomir, avoir des spasmes, … j’ai fait une hypothermie.

Après 3heures de rame Ludovic, l’équipage te demande de remonter sur le bateau pour faire une pause. Quelles sont tes sensations et comment se passe la suite ?

En effet, il fallait que je me repose et qu’on prenne une décision au vu de l’état de Jérémy et de certains membres de l’équipe.  Le moment où il fallait remonter la planche sur le bateau a été super compliqué, heureusement toute l’équipe était à fond pour m’aider, même Jérémy qui n’était pas au mieux. Une fois sur le bateau, nous avons commencé à faire le point. Jérémy n’allait plus pouvoir ramer. Il restait donc une option, continuer en bateau le temps que l’on se repose et repartir à l’eau, en espérant qu’il reprenne des forces! Malheureusement l’orientation du vent n’étant pas favorable il nous aurait fallu beaucoup trop de temps (15-20h de plus d’après le skipper) pour rejoindre la Corse !  Nous ne pouvions donc pas atteindre l’objectif d’arriver avant la tombée de la nuit. Nous avions déjà bien ramé tous les deux, l’équipe avait de superbes photos et vidéos. Les conditions étaient terribles et faire plus de 15h de bateau aurait été dangereux et insupportable. Nous avons donc décidé de rentrer et c’était la meilleure décision.

Étiez vous frustrés ou déçus de ne pas pouvoir continuer ?

Sur le coup nous étions un peu déçus, nous aurions aimé faire plus de distance et retourner à l’eau, prendre des plus gros bumps encore car plus on s’éloignait plus ça grossissait…. mais le plan d’eau était infernal et ça ne servait à rien de partir au large plus longtemps. Au final notre déception est vite passée et nous nous sommes rendu compte que ce que nous avions fait était déjà énorme !

Qu’est-ce qui vous a le plus effrayé ?

Ludovic: Certainement le moment avant la prise de relais, lorsque Julien nous a précisé qu’il ne fallait pas se louper car si un de nous passait à l’eau, s’il lâchait le leash ou le palonnier, il aurait fallu faire demi-tour et dans une mer compliquée comme celle-ci, en voilier cela aurait pris du temps. Dans ces conditions, on peut vite perdre de vue un homme en mer, de plus l’eau était froide, aux alentours des 15 degrés. Nous étions donc bien stressés pendant la prise de relais mais concentrés et cela s’est bien passé. Nous n’avons pas eu réellement peur sur l’eau, même si à la fin il y avait des trains de houle monstrueux, mais l’excitation, l’envie, surpassaient le sentiment de peur.

Quel a été votre meilleur souvenir ?

Ludovic : Il y a eu beaucoup de très bons souvenirs durant les 3 jours avec toute l’équipe. Tout le monde s’entendait bien et l’ambiance était géniale. Pour moi, le moment le plus marquant aura été durant mon tronçon de rame. J’ai eu des visions magiques, le voilier qui partait en surf dans une houle de 5m, ensuite c’était moi qui partais sur des gros surfs, je me retournais, ne voyais plus que le mat du bateau dépasser puis il réapparaissait lorsque la houle passait. Tout le monde criait et c’était une vue que je n’oublierai jamais !

Jérémy : C’était sur l’eau, aux alentours des 6h30-7h du matin au lever du soleil, il y avait 45 nœuds établis au large de Six-Fours, la mer fumait avec un ton rosé, un beau lever de soleil que je ne serai pas près d’oublier ! J’entendais l’équipage crier de joie quand je surfais de gros bumps tout en observant ce paysage d’une rare beauté et je frissonnais de plaisir.

Et si c’était à refaire ?

On a beaucoup appris en réalisant ce projet, beaucoup de petits détails qui feraient la différence si nous retentions le coup. Il serait nécessaire d’avoir une meilleure orientation de vent, plus ouest pour que la trajectoire soit au maximum de 200kms, mais un vent aussi fort dans cette orientation est rare. Une waiting period plus étendue serait donc obligatoire pour avoir la bonne orientation et un vent très fort.

Vous avez réalisé un crowdfunding pour financer votre projet et faire un don à la Water Family, un message pour les donateurs?

Le crowdfunding s’est bien déroulé car nous avons atteint l’objectif. Nous souhaitons vivement remercier tous les contributeurs pour leur aide! Nous avons choisi la Water Family car ils développent des contenus pédagogiques pour les scolaires et l’entreprise afin d’apprendre à protéger l’eau et la santé en valorisant les bonnes pratiques. Honnêtement avec ces conditions la mer était totalement clean en surface, nous avons vu beaucoup de poissons lune, c’était super. Cependant, quand la presse rapporte dernièrement que plusieurs milliers de tonnes de détritus plastiques ont été découverts au large de la Corse, nous restons inquiets, cette information confirme nos préoccupations. Nous sommes heureux de pouvoir remettre plus de 1500 euros à la Water Family!

Quels sont vos prochains projets :

Pour l’instant nous sommes en pleine période de compétitions, nous participons aux courses de l’Eurotour chaque weekend. Pour la saison estivale, nous donnons des cours de paddle sur le lac Léman où nous avons ouvert notre école de SUP. Ensuite nous allons partir en surftrip, puis en Polynésie pour participer au Watermana.

 

Pour plus d’information sur la marque Oxbow, rendez-vous sur :
Web : https://www.oxbow-sup.com/
Facebook : https://www.facebook.com/oxbow.france/
Instagram : https://www.instagram.com/oxbow/

 

 

A propos de l’auteur

Marie Esnaola

Originaire du Pays Basque, Marie se tourne naturellement vers le sauvetage côtier, les courses de prone et le SUP après des années de natation. Passionnée de sport, elle organise des évènements sportifs et BtoB et accompagne les entreprises en webmarketing.