Stand-Up Paddle, handicap et résilience : l’histoire de Sébastien Saulenc

Son visage doit vous êtes familier car il participe à de nombreuses compétitions de stand-up paddle race partout en France, toujours équipé de sa fidèle board gonflable Itiwit au nez orange. Que ce soit sur la petite longue distance du club d’à coté ou bien sur des challenges gigantesques comme la Loire 725, vous avez déjà forcément croisé Sébastien Saulenc ! Celui qui a fini 4ème du Challenge des Gonflés 2022 lors de la Lyon Paddle Show Race – Championnats de France n’a pourtant débuté le SUP qu’il y a 5 ans, et a eu une enfance et une adolescence rythmée par des opérations de la colonne vertébrale à l’Hôpital Necker Enfants Malades. Pour TotalSUP, Sébastien a accepté de nous raconter son parcours, son histoire autour du paddle, mais aussi ses aventures !

Bord’Ocean SUP Days 2022 / Photo : Clément Philippon

Salut Seb ! La dernière fois que l’on a pris de tes nouvelles, c’était pour parler de votre préparation, avec Hervé Barrière, pour la Loire725. Tu nous racontes rapidement comment c’était ?

Alors c’était vraiment une aventure extraordinaire… Je ne remercierai jamais assez Hervé de m’avoir proposé ce défi.  Je garde que de bons souvenirs, plusieurs images me viennent : le départ de la course avec une centaine d’amoureux de la pagaie, prêt à en découdre avec ce fleuve. L’arrivée à Paimboeuf, la fin d’un périple de 725km et mon coéquipier qui m’attend près du phare. Mais c’est aussi 6 jours de lutte acharnée pour la 1^ère place avec l’équipe d’Olivier et Arnaud et ce que je retiens surtout : c’est de voir dans chaque visage : les sourires, les pleurs des concurrents lorsqu’ils arrivent au bout de ce périple.

Une petite anecdote : De bon matin, lorsque que tu es en train de ramer, ton coéquipier t’annonce qu’il a ensablé le véhicule en voulant quitter notre zone de bivouac. D’un peu plus, la voiture allait nous rejoindre dans notre descente de la Loire. Il faut vraiment vivre cette incroyable aventure.

Loire725 2022 / Photo : Padso

Lors de cette aventure, vous supportiez une cause : l’Hôpital Necker Enfants Malades. Tu nous avais dit avoir choisi cette cause car tu as subi des opérations dans cet hôpital étant enfant, peux-tu nous raconter ?

En effet, j’ai voulu dédier cette aventure aux enfants malades de cet hôpital et c’est aussi un bout de ma vie dans cette cause.

Je suis né avec une scoliose malformative, plus précisément on a constaté à l’âge de 9 mois que j’avais une cypho-scoliose malformative. J’ai eu différentes opérations jusqu’à ma majorité. En 1984, j’ai subi 2 lourdes opérations à l’Hôpital Necker, environ 6h sur la table d’opérations et presque un an avec un corset. Pour faire simple, ils ont soudé certaines vertèbres entre elles avec une tige métallique. Ensuite, j’ai été suivi tous les ans par ce même professeur pour vérifier si ma cyphose, scoliose ne s’accentuait pas vu que j’étais en pleine croissance. A 17 ans, nouvelle opération pour enlever le matériel et en 1998, une dernière opération, arthrodèse vertébrale antérieure donc une greffe osseuse qui bloque ma colonne vertébrale.

Donc c’est pour cela que j’ai voulu représenter Necker et aider les enfants qui sont à l’hôpital actuellement, il y a une cagnotte qui est toujours ouverte, vous pouvez faire une participation libre. Je tenais déjà à remercier tous ceux qui avaient participé, cela permettra d’acheter du matériel pour le bien-être des enfants.

Bord’Ocean SUP Days 2022 / Photo : Clément Philippon

Est-ce qu’aujourd’hui tu gardes des séquelles de cet handicap ? Y-a-t-il des sports que tu ne peux pas pratiquer ?

Des séquelles, oui et non, il y a cette malformation au niveau de ma colonne et une capacité pulmonaire moins développé qu’une personne normale. Mais j’ai grandi avec ça donc je me suis habitué et cela ne me gêne pas dans mon quotidien. Vu que mes vertèbres sont soudées, j’ai moins mal au dos qu’une personne normale, c’est un petit avantage.

Le Professeur m’a toujours dit de continuer une vie normale et de faire les sports que je voulais. C’est certain que je ne serais pas basketteur professionnel, je plaisante. J’ai toujours essayé d’avoir une vie normale, de vivre mes rêves et j’aime faire du sport. J’aime me dépasser et découvrir de nouveaux sports. Cet handicap est une force, je ne baisse pas les bras et justement c’est une force mentale, cela m’a permis d’être déterminé et de gagner en courage.

Championnats de France Eaux Intérieures – Challenge des Gonflés 2022

Du coup, pourquoi le stand-up paddle ? Comment es-tu arrivé à cette pratique ? On a vu, notamment avec des associations comme Paddle Contre Parkinson et leur tandem Itiwit, Au Delà de l’Océan ou encore Sinaani, que c’est un sport qui est bien adapté à différents types de handicaps mais aussi à la remise en forme…

Alors pourquoi le SUP ? Depuis tout jeune, j’ai toujours été attiré par les sports en pleine nature, j’ai beaucoup pratiqué avec mes parents la randonnée en Haute-Montagne. Le SUP est arrivé un peu par hasard. Il y a 5 ans avec ma femme, nous étions en vacances en Corse et l’hôtel mettait à disposition des planches. Ma femme qui avait déjà pratiqué m’a donné les 1ers conseils pour tenir debout puis c’était parti. Je trouve génial de pouvoir être debout sur l’eau et d’aller explorer de nouveaux horizons donc je continue à marcher mais sur l’eau. C’est un sport qui me permet aussi de sortir de ma zone de confort, d’avoir de la discipline et de faire preuve de résilience.

C’est vrai qu’il y a beaucoup d’associations qui se tournent vers ce sport et je trouve cela génial. Je pense que c’est important une activité sportive, le paddle est un nouvel outil thérapeutique. Il fait travailler l’équilibre, la respiration, la musculation du dos mais aussi la socialisation, l’estime de soi… il y a beaucoup de bénéfices. Nous faisons corps avec la nature, les éléments… il y a tellement de façon d’aborder le SUP que c’est super.

Bord’Ocean SUP Days 2022 / Photo : Clément Philippon

Tu es coaché par Ludo Teulade SUP Coaching, est-ce que ton entraînement et tes techniques de pagaie sont adaptés à ta condition physique ?

Effectivement, cela va faire un peu plus d’un an que je suis avec Ludo. J’avais envie de progresser et surtout d’avoir un programme d’entraînement pour éviter la monotonie. Je lui ai parlé de mon handicap, il a été à l’écoute et m’a donné des conseils sur ma technique de rame, longueur de pagaie… En début d’année, je lui donne le calendrier de mes courses et il s’adapte pour faire mes entraînements. Mes courses sont souvent de la Longue et Ultra Longue Distance donc j’ai des entraînements spécifiques. Ludo s’adapte bien à tout ça, il suit mon évolution. Alors pour ma technique de pagaie, beaucoup de monde me fait la remarque que je rame avec une fréquence importante. J’ai encore du travail à faire de ce côté-là.

Championnats de France Eaux Intérieures – Challenge des Gonflés 2022

Fais-tu attention au choix de ton matos pour que ce soit le moins traumatique possible ? 

Au niveau du matos, je n’ai pas de critère en particulier. En plus, il y a une gamme importante sur le marché, ça évolue très vite et en fonction de son niveau, de ses envies, tu peux choisir le matériel adéquat. De mon côté, je navigue essentiellement en gonflable, c’est pratique car je n’ai pas la place pour stocker une rigide à la maison. Et selon mon terrain de jeu, je gonfle ma 25″ ou 27″, c’est facile et je peux les emmener sans problème dans mes voyages.

Pour les pagaies, j’ai mes 2 pagaies en carbone. Ma fidèle Itiwit en 3 parties, elle est parfaite pour voyager, légère, solide. Je l’utilise beaucoup en rivière, c’est celle que j’avais pour la Loire 725, mes DI et Tawara.

Et sinon, j’ai une pagaie Black Project qui est très légère que j’ai redécoupé par rapport à ma taille, je l’utilise pour mes entraînements et en course.

Bord’Ocean SUP Days 2022 / Photo : Clément Philippon

D’ailleurs niveau matos, toujours sur ta fidèle Itiwit ? Tu l’aimes toujours autant après avoir fait 725km et plus dessus ?

Oui j’ai toujours mes 2 planches Itiwit, la 14×25 et la Race 14×27. J’ai la chance d’avoir Itiwit qui m’accompagne dans mes aventures cette année. J’ai presque réalisé toutes mes courses avec la 27. Franchement, elle est top. Pour la Loire, c’était un plaisir de ramer sur cette planche, nous avons passé toutes les difficultés avec facilité. Vu que nous étions en relais et que nous ne faisons pas le même gabarit avec Hervé, elle nous a permis d’être bien dessus. Tu es à l’aise car elle est très stable et tu as juste besoin de te concentrer sur ta rame et ton parcours. C’est une très bonne planche pour faire des courses en rivière ou en situation agitée. Je l’aurai pour le marathon de l’Ardèche en novembre.

J’ai eu la chance, d’essayer la dernière 14×25 pour les championnats de France à Lyon, ils ont sacrément amélioré la stabilité et elle va vite. Elle termine dans les 15 premières places au classement général. Et nous sommes sur le podium du challenge des gonflés, Luc à la 1^ère place et moi 4^ème.

Championnats de France Eaux Intérieures – Challenge des Gonflés 2022

Un petit mot de la fin et d’espoir à faire passer à ceux qui comme toi ont dû passer, ou vont passer, par la case hospitalisation ?

Je pense que chacun de nous a eu ou avons des problèmes, des moments difficiles à vivre mais ce sont dans ces moments là qu’il faut chercher au fond de soi la force de résister, de croire en soi et de se battre et surtout de ne pas baisser les bras. Il faut profiter des instants et vivre ses passions. Je suis de nature plutôt optimiste, il ne faut pas avoir peur de l’obstacle, juste trouver comment le contourner ou l’aborder de la meilleure manière et quelle satisfaction lorsqu’on y arrive. Et même si on n’y arrive pas du premier coup, on retente. Et c’est tout cela que je retrouve dans ce sport.

Je voulais remercier TotalSUP pour cet article, Itiwit pour le matériel et mon club le PVC Paddle Vassivière Club pour leur accueil, gentillesse et c’est un club humain, d’ailleurs nous avons Christophe et Pascale atteints de la maladie de Parkinson et c’est super de les voir prendre du plaisir dans ce sport et tous ceux que je côtoie dans cette grande famille du SUP.

Le mot de la fin sera pour tous les enfants malades, parents… qui vivent des épreuves extrêmement difficiles, n’arrêtez pas de rêver, il y a toujours des moments à vivre exceptionnels. Il faut rendre possible l’impossible.

Bord’Ocean SUP Days 2022 / Photo : Clément Philippon

On te voit sur quelles compètes pour cette fin de saison 2022, et quels sont tes projets pour 2023 ?

Pour terminer l’année, je vais faire la course du Marathon de l’Ardèche, elle a l’air incroyable.

Sinon pour 2023, je vais attaquer l’année au Brésil et découvrir le monde du paddle là-bas. Je me suis mis en contact avec quelques personnes et j’ai rendez-vous pour aller ramer dans la baie de Copacabana, ça va être magique. Ensuite, fin février, je vais revenir au festival espagnol de SUP à Ainsa, il y avait une superbe ambiance et le cadre est fabuleux.

Ensuite, j’irai découvrir la Green Paddle Race. En Mai, la Dordogne Intégrale 360 qui arrivera à Bordeaux, je le fais en relais avec Domi Bianchi, ça va être super et de partager ce moment ensemble.

En juin la Tawara et en juillet, la course de mon club : les 10h de Vassivière. Enfin, je dois en oublier mais le programme est déjà chargé.

Merci beaucoup Seb de nous avoir raconté ton histoire, et on te souhaite le meilleur pour tes prochaines aventures !

Pour suivre Sébastien Saulenc :
Facebook / Instagram

Pour plus d’informations sur Itiwit :
Site officiel /Facebook / Instagram