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La Pirogue, Nouveau Jouet du SUP Racer! Interview de Titouan Puyo.

Aujourd’hui nous nous intéressons à un sujet qui est en train de faire son chemin parmi les adeptes du Stand Up Paddle et notamment en France: s’armer d’une pirogue! Du grand Kahunas Pascal Pouget, qui a trouvé, avec une opération au genou, l’excuse parfaite pour commencer à pagayer assis, en passant par Olivia Piana qui s’est mise il y a quelques mois au V6 (va’a 6 places), d’autres riders comme Amaury Dormet qui ont toujours embrassé les deux pratiques, ou encore le fabricant WOO qui organise des stages d’OC1 / OC2 autour de Ze Caribbean Race en Guadeloupe et qui sort un modèle d’OC1 à moins de 2000€, le sujet devient hot et la pirogue se démocratise. Nouvelles sensations, variations des méthodes d’entraînement, meilleures performances en SUP race… Qui d’autre que le champion de France Titouan Puyo, élevé au Va’a et fraîchement rentré des US, pour mieux nous aider à décortiquer cet engin?

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Bonjour Titouan, tout d’abord peux-tu nous présenter brièvement les différentes embarcations individuelles qui existent sous la dénomination “pirogue”?

Titouan Puyo:
Alors, il y a deux embarcations à différencier en individuel :
L’OC1 (outrigger canoe 1 place), ce que fait Travis Grant ou Danny Ching: c’est une pirogue à balancier avec un gouvernail a pied, le même système qu’en Surfski. La pagaie ne sert donc qu’à propulser et la direction se fait au pied
La V1 (va’a 1 place), c’est ce que Georges Cronsteadt, Rete Ebb, Steeve Teihotaata, et moi… faisons, il y a un réel cockpit sans système d’évacuation, c’est une pompe à pied qui évacue l’eau, depuis quelques années, avant cela c’était à l’écope. Mais la grosse différence est qu’il n’y a pas de gouvernail pour se diriger, la pagaie sert à propulser et diriger, c’est donc beaucoup moins maniable qu’une OC1 mais plus rapide sur un plan d’eau plat.

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D’après toi, en quoi la pratique de la pirogue peut-elle aider le Stand Up Paddler?

Ceux qui performent en Stand Up Paddle avec un passif en Va’a ont, en général, un « long » passé en va’a. Ce que je veux dire par là c’est qu’ils ont passé beaucoup d’heures en va’a et ceux depuis tout jeune. J’ai pour ma part commencé en 2003.

La technique
La technique de rame est un peu différente. Je trouve qu’en SUP on a moins besoin d’être précis et propre. On utilise plus le poids de son corps. Mais il est certain que commencer le SUP avec un background en va’a est un avantage. Les notions d’appui, de souplesse, de relaché, etc., sont des notions que j’ai transférées du va’a au SUP. Techniquement, beaucoup de SUPeur forcent sur la fin du mouvement, ils ne s’en rendent pas compte mais ils « tassent » leur planche, c’est beaucoup plus visible sur une V1 car l’arrière de l’engin s’enfonce dans l’eau.

Muscles sollicités
Je ne faisais déjà pas de musculation en va’a, et je n’en fais toujours pas en SUP mais il est clair que les groupes musculaires du haut du corps sont les mêmes. Mais encore une fois, pas exactement. Quand je me remets au va’a après un mois ou deux de voyage loin de la Nouvelle Calédonie, j’ai des courbatures le lendemain, car l’angle n’est pas le même en étant assis ou debout.

En va’a les jambes ne servent qu’à se caler correctement dans la pirogue, pour transmettre l’énergie à l’embarcation. Donc c’est un effort statique pour les jambes, alors qu’en SUP les jambes sont énormément sollicitées. Je me rappelle avoir de grosses douleurs aux jambes à mes débuts en SUP

L’endurance
Le fond! C’est une certitude. Les courses de va’a sont plus longues que celles de SUP en général, donc les entrainements tout aussi long, mais la pirogue va plus vite, alors en durée passé sur l’eau c’est quasi pareil. Des longues séances de fond font moins peur quand tu as passé beaucoup de tes week-ends à faire des sorties de 3 heures en équipage.

La lecture du plan d’eau
Une pirogue est plus rapide, pour glisser il faut être plus précis comme je le disais au niveau technique mais aussi en sensation et en vision, il faut un petit temps d’avance par rapport au SUP.  C’est sûr que ça facilite la chose en downwind, mais encore une fois ce n’est pas exactement pareil. Il faut forcer un peu plus tôt en SUP pour partir dans un bump, et il faut anticiper un peu plus en va’a car on double les bumps plus rapidement qu’en SUP et l’angle de vision sur l’avant se rétrécit. En SUP, on va moins vite et c’est plus maniable qu’en va’a donc on peut aller chercher des bumps plus sur notre droite ou notre gauche.

Titouan Puyo en V1

Est -ce que tu fais toujours du va’a en compétition ? Est-ce que tu mets toujours de la pirogue dans tes entrainements? Pourquoi et à quelle dose? 

Je fais toujours de la pirogue surtout quand je suis en Nouvelle Calédonie, les compétitions de SUP passent en priorité, mais si j’ai l’occasion d’en faire une, je n’hésite pas.

La pirogue fait partie de mon entrainement quand je suis à Nouméa, pour les raisons que j’ai évoquées: c’est beaucoup plus marrant de faire des bornes et du fond en va’a plutôt qu’en SUP. De plus ça permet de revenir à un geste plus propre, car je dois plus m’appliquer en va’a. Et enfin je pratique le va’a avec des gens que je connais depuis longtemps, c’est beaucoup plus motivant d’aller s’entrainer en groupe et avec plus de concurrence. J’alterne donc les séances de va’a et de SUP quand je suis à Nouméa.

Es-tu surpris que plusieurs des meilleurs SUP racers au monde viennent de la pirogue – on peut prendre pour exemple le podium de la dernière Carolina Cup: Titouan Puyo, Travis Grant et Danny Ching, trois “Outrigger Boys”?

Titouan Puyo, Travis Grant et Danny Ching

La course de la Carolina Cup correspond exactement au genre d’effort que l’on peut avoir en va’a je pense: une course longue avec des plans d’eau différents. La course est en début d’année, tous ceux qui font du va’a sortent de plusieurs courses et heures passées sur un va’a ou OC1. Ce n’est peut être pas un hasard car déjà l’an dernier le top 4 venait du va’a (Travis Grant, Danny Ching, Georges Cronsteadt et moi). Les « outrigger boys » comme tu dis, sont donc parfois meilleurs, mais pour avoir amener des potes du va’a sur un SUP, ça ne fait pas tout! Personnellement j’ai passé beaucoup de temps à passer la barre de vagues et c’est toujours ce qui me porte préjudice sur les gros événements. Ceux qui viennent du surf ont à bosser leur gestuelle, perso je dois bosser dans les passages de barres. Le profil de Michael Booth est aussi intéressant, il est encore plus complet, le life saving (ndlr: compétitions sportives autour du sauvetage en mer) le rend à l’aise dans les barres, et ses heures en surfski lui donnent la lecture et le fond. Il a peut être eu à bosser son geste avec une pagaie simple, mais il a l’air d’avoir vite compris. Personnellement si je ne peux pas le drafter, j’arrive pas à le suivre.

Passer la barre en SUP

Quel est ton historique et palmarès en pirogue / Va’a?
Je n’ai jamais percé en va’a comme j’ai pu percé en SUP. Cela dit, gagner le Championnat de France en V1 ne m’aurait pas apporté ce que m’a apporté ma victoire à Canet en Roussillon aux France 2013.

Autre chose qui prouve qu’il ne suffit pas de savoir faire du va’a pour être bon en SUP sont mes résultats face aux Tahitiens. Lors de mes courses en va’a je ne voyais même pas des gars comme Steeve Teihotaata ou Georges Cronsteadt ou Rete Ebb. Pourtant j’arrive parfois à les battre en SUP…

J’ai été de nombreuses fois champion de Calédonie, en sélection calédonienne depuis 2006 pour les mondiaux de vitesse et les jeux du Pacifique.

Mes meilleurs résultats :
4e au mondial 2010 en junior (derrière Rete Ebb d’ailleurs)
4 fois médaillé d’argent aux Jeux du pacifique de 2011 et 2015 derrière les Tahitiens

Mais pour te donner une idée, mon meilleur résultat à Tahiti, c’est 52e, et c’est Steeve qui avait gagné, le SUPER AITO (l’équivalent d’un mondial de V1 longue distance).

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A propos de l’auteur

Mathieu Astier

Mathieu est le fondateur hyperactif de TotalSUP mais aussi un vétéran du marketing et de la communication web avec plus de 20 ans d'expérience aux côtés des plus grandes start-ups internationales. Son coup de foudre pour le Stand Up Paddle en 2013 l'a amené à construire l'une des principales plateformes d'information en ligne dédiées au SUP, en anglais et en français pour une audience mondiale, et à tourner sa vie de famille résolument vers l'océan.

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