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Médéric Berthe premier français à remporter la mythique Catalina Classic

Le 25 août 2019, Sandrine et Médéric Berthe, le couple français s’élançait une nouvelle fois pour la fameuse Catalina Classic. C’était la 41ème édition de la course californienne qui challenge les meilleurs rameurs sur une traversée de 32 mile (51,5km) depuis Catalina Island jusqu’au pier de Manhattan Beach. Les deux waterman polyvalents, membres de la team SUP Fanatic – Ion se sont entraînés durant des semaines pour cet évènement mondial, ils nous dévoilent les dessous de cette préparation.

Médéric, que représente pour toi cette course ?

La Catalina Classic c’est la « mère » de toutes les courses de paddleboard actuelles ! Créée en 1955 alors que le surf n’était même pas encore arrivé en France elle a vu défiler d’innombrables légendes du surf (Tom Blake, Greg Noll, Laird Hamilton, Buzzy Kerbox, Jamie Mitchell…). Pour moi cette zone de la Californie est le berceau du paddleboard et ramer cette course c’est un peu prendre part à la légende et s’immerger dans la culture de ce sport. Ce sport et c’est très rare aujourd’hui, mais il est surtout libre ! Pas de fédération, pas de circuit pro, pas d’argent…juste des athlètes d’horizons différents qui se retrouvent sur un évènement hors-norme pour le plaisir de se dépasser et d’échanger.

Sandrine, que représente l’organisation logistique de cette course ?

La logistique de la Catalina est assez importante mais depuis 3 ans, nous sommes rodés maintenant ! En plus d’acheminer nos prones paddleboard ou trouver une planche sur place, il faut un bateau suiveur par personne. Nous avons tissé des liens d’amitié avec les personnes qui nous ont aidé lors de nos différentes participations. On garde contact avec Joe Bark, Jason Wright, Bill Lynch, Tom Thorpe  (bateaux suiveurs), etc… tout au long de l’année pour prendre des nouvelles et une fois l’inscription validée à la Catalina. On leur redemande s’ils sont prêts pour une nouvelle aventure… Ce n’est jamais une mince affaire pour un « frenchie » de concourir là-bas ! La 1ère chose que nous faisons en arrivant à Los Angeles est d’aller voir Joe Bark pour récupérer les planches qu’il nous prête pour la course pour aller les tester et faire un décrassage. On a vraiment de la chance, car il fait toujours attention à nous prêter de superbes planches adaptées à notre gabarit. J’ai donc eu la chance de ramer sur la Bark Commander light Ghost Carbon qui est une vraie bombe… Il se rend toujours très disponible et c’est un véritable plaisir de passer du temps dans son atelier pour voir toutes les planches en fabrication et rêver le temps d’un instant !

Nous partons le vendredi matin pour l’île de Catalina à bord du bateau suiveur de Médéric. Une traversée de 5h où nous luttons pour ne pas être malades. Puis nous restons au mouillage dans la baie de Cherry Cove en attendant la course. C’est un endroit magnifique, tous les rameurs arrivent les uns après les autres… et la pression monte d’un cran…Nous essayons de nous reposer, de nous relaxer, de nous étirer, le briefing du samedi après-midi arrive très vite… Le samedi soir, nous mangeons toujours avec mon bateau suiveur les traditionnelles pâtes aux boulettes de viandes. C’est l’occasion de partager un bon moment avec eux, de leur donner mes ravitaillements et autres choses dont j’aurais besoin pendant la traversé (top néoprène ION, lunettes de soleil…). Puis le jour-J arrive, une courte nuit et le réveil qui sonne, nous sommes dimanche, il est 4h du matin, on y est ! Préparation des gourdes, application de la protection solaire avec le lait Alga Maris des Laboratoires de Biarritz indice 50, j’aime cette crème qui tient tout le long de la course, mon long john Ion, un câlin à ma fille et c’est parti !

Pouvez-vous nous raconter vos précédentes participations ?

Sandrine : J’ai participé à ma 1ère Catalina Classic en 2017, et je n’en garde pas vraiment un bon souvenir… la météo annonçait un grand soleil et 35 degrés, je suis partie en legging/lycra et les conditions ont été horribles, 15 degrés, houle de travers, vent de face, la pire édition depuis 30ans selon Joe Bark, j’ai eu froid dès le début de la course, j’espérais que le soleil se lèverait, mais ça n’a pas été le cas…j’ai lutté pendant 4h mais l’hypothermie l’a emporté. J’ai dû abandonner car je ne tenais plus sur ma planche, tétanisais par le froid, je me suis mise à vomir…J’ai eu beaucoup de mal à me remettre de cet échec mais je ne voulais pas en rester là !!! L’année dernière, je me suis réalignée avec l’objectif de finir, j’avais beaucoup d’appréhensions malgré tout le travail de préparation mentale effectué durant l’année. La course n’a pas été facile, j’ai découvert des états que je ne connaissais pas, auxquels je n’étais pas préparée mais je suis arrivée au bout…Je finis 4ème en 7h40. Cette année, c’était différent, je savais à quoi m’attendre et je voulais finir bien sûr, Mais je voulais aussi mettre plus d’intensité et réduire mon temps. C’est chose faite, je finis en 7h12 soit 30 minutes de moins que l’an passé, contrat rempli !!!

Médéric : Après deux participations en unlimited en 2009 et 2010, j’ai pris le départ de la Catalina Classic en 12’6, la catégorie stock, en 2017 où je termine 7ème « stock » en 7h18. L’an dernier, je boucle la traversée en 6h20 et je me classe au pied du podium. Cette année, il m’aura fallu 5h53.

Sandrine, Comment prépare-t-on une course de paddleboard de 51 kilomètres ?

Pour ma part, la préparation spécifique pour la Catalina se fait sur 2 mois car jusqu’en juin, je participe à beaucoup de courses de stand up paddle. Je m’entraîne toute l’année, je ne fais pas de grosse pause, car j’adore ça, cela fait partie de ma vie et contribue à mon équilibre. L’hiver, la température extérieure et celle de l’eau sont trop froides pour moi, je ne rame pas en prone, mais je continue à ramer avec mon SUP Fanatic, nage, fais du trail et du crossfit… de quoi travailler mon endurance. Pour la préparation de la Catalina, cette année, nous avons fait appel à Vincent Guillaume, Training week. Je le remercie d’ailleurs pour son écoute, sa bienveillance et sa programmation que l’on a ajusté chaque semaine. Le challenge pour Vincent était de me proposer des entraînements variés car je n’aime pas m’enfermer dans une seule discipline. Ma préparation s’est orientée autour de la course à pied, de la natation et du prone bien sûr. Pour la préparation de la Catalina Classic, suivant la période il faut compter entre 5 et 7 séances par semaine, dont une séance longue en prone qui est montée jusqu’à 4h. Comparé aux autres années, il y avait de l’intensité dans chaque séance et un thème bien défini, je ne partais pas courir ou ramer sans objectif et c’est grâce à ça que j’ai progressé et gagné 30min sur la course. J’inclus également une séance de yoga quotidienne que je pratique le matin, 15min sous forme de routine et qui fait partie de mon quotidien. Je commence ainsi la journée du bon pied, cela m’apporte beaucoup de sérénité… Suivant les besoins, j’inclus aussi des séances plus longues, 1h, à thème où je vais chercher un état de relaxation optimum… Il n’y a donc pas que le physique qui compte, le mental est vraiment important dans ces longues courses. C’est pour ça que depuis deux ans je travaille avec Mélanie Maillard, psychologue du sport. Elle m’a beaucoup aidé dans l’appréhension des courses, la gestion de ce stress qui me rongeait de l’intérieur mais aussi dans la gestion de la course en elle-même, la façon d’appréhender le temps qui passe et surtout le temps qui reste à ramer !!! J’ai gagné énormément de confiance en moi. Enfin l’alimentation, qui est une part très importante pour bien récupérer des séances d’entraînement et faire le plein d’énergie.  J’essaie de cuisiner le maximum possible des produits locaux ou bio. Cette période d’entraînement tombe pendant la saison des kiwis de l’Adour, c’est mon péché mignon avec le chocolat noir ! Je pense que la combinaison de tout ça n’est pas trop mal.

Médéric, peux-tu nous raconter la course du début à la fin ?

On pourrait penser qu’une Catalina Classic débute au coup de corne à 6h00 le dernier dimanche du mois d’août ! C’est en fait bien plus compliqué que ça ! Une Catalina Classic commence 4 à 6 mois avant, quand on détermine le plan d’entraînement qui va nous permettre de traverser le canal le plus vite possible. Pour la majorité des rameurs de cette course elle représente l’objectif absolu de la saison, tout le monde se prépare à fond et le niveau est très élevé et très homogène, nous savons tous que quelques minutes perdues signifient aussi quelques places perdues ! Personnellement ma préparation spécifique débute fin avril et cette année c’est également Vincent Guillaume qui a eu la lourde tâche de mettre sur pied ma planification. Je voulais travailler mes points faibles et j’ai choisi de lui faire confiance, son palmarès et la discussion que nous avons eue m’ont convaincu. Cela n’a pas été facile, il m’a surpris, proposé des choses qui à première vue ne me plaisaient pas nécessairement ! Mais on ne choisit pas un coach pour s’y opposer en permanence, je me suis donc attelé avec sérieux à ces nouvelles séances et rapidement les progrès se sont fait sentir. Avec de bons échanges nous avons construit une prépa efficace. En moyenne je me suis entraîné 5 à 9 fois par semaine ramant entre 40 et plus de 100 km, sans oublier quelques surprises : Vélo, course à pied….

Le vendredi avant la course, c’est le départ sur l’île sur le voilier de Jason, mon bateau suiveur, je ne me sens pas bien, je me sens fiévreux, je n’ai pas envie ! Mais ce n’est pas vrai ! Pas çà à l’avant-veille de la course ! Pas tous ces mois de préparation, de sacrifices pour ça ! La journée passe péniblement, je me force à faire comme prévu un petit entraînement en fin d’après-midi, les sensations sont moyennes, la motivation n’est pas là et ma gorge me fait mal.

 

Le samedi, ce n’est pas mieux que la veille, toujours mal à la gorge et cette sensation d’être malade. La motivation n’est toujours pas là, je suis fatigué, j’en ai marre… en fait, je veux juste rester tranquille ! Par curiosité je regarde la montre connectée que m’a offert Sandrine, pulsations 85, niveau de stress 75 ! Waouh, je ne me sens pourtant pas particulièrement stressé ! De toute la journée mes pulsations ne descendront pas, 85, 90,95… je commence à me dire que je ne suis peut-être pas malade, que c’est ma tête, mon « mental » qui me joue des tours. Bientôt l’heure du briefing et de la pesée des planches arrive. Voir tous les autres concurrents ne m’a pas déstressé, mais je ne stresse pas plus non plus ! La journée continue avec toujours cette drôle de sensation que je vais devoir prendre le départ demain mais que je n’en ai pas spécialement envie. Le soir pendant le repas je me surprends à me sentir mieux, plus détendu, serein. C’est très bizarre, j’en fais part à Sandrine et nous nous couchons de bonne heure car demain le réveil sonnera à 4h00.

Dimanche c’est le jour J, j’ai plutôt bien dormi et étonnement je suis serein. Je n’ai pas comme les années précédentes cette boule au ventre, cette sensation que mon cœur tape si fort qu’il va sortir de ma poitrine. Je me sens calme et relativement détendu. 6h00, c’est le départ, je pars vite, je suis bien. De suite, je suis dans le groupe de tête en « stock », nous sommes environ 6 dans le peloton et je ne suis ni en avance, ni en retard. Pendant environ 30 à 40 minutes nous alternons, certains accélérant avant de se faire reprendre et ainsi de suite… ensuite avec Foster Campbell nous nous détachons progressivement du groupe. Nous nous connaissons bien avec Foster, c’est un rameur expérimenté qui en est comme moi à sa 5ème Catalina, en 2017 nous avions fini au sprint après une édition dantesque. Pendant plus de 3 heures nous allons rester côte à côte prenant successivement l’avantage l’un sur l’autre, le draft étant interdit. Cette situation nous a permis de faire un bon écart avec nos poursuivants mais c’était assez inconfortable, la pression était importante. Foster avait fait le choix de n’avoir qu’une seule gourde sur sa planche pour gagner du poids, mais cette décision l’obligeait à se ravitailler plus souvent. Pour ma part je limite au maximum les ravitaillements, on perd du temps, on se déconcentre et il y a aussi des risques, bref en général je me ravitaille qu’une fois sur une course comme celle-ci. Je refais le plein de mes gourdes d’eau et d’hydrixir Overstim ainsi que le stock de mes gels Energix et pâte de fruits. Je consomme en alternance les barres et gels toutes les heures. Un peu après la mi-course j’ai vu un membre de son équipe se mettre à l’eau pour lui apporter une gourde, je savais donc qu’il allait perdre quelques secondes. Je me sentais bien et je me suis dit « c’est maintenant », j’ai donc augmenté mon allure pour faire l’écart et avoir une avance sécurisante. J’ai fait à ce moment un trou de 2 à 3 min, avance que j’ai réussi, non sans peine, à maintenir jusqu’à la fin et finir la course en tête de ma division.

Je pense avoir fait la course parfaite, j’étais bien physiquement, bien mentalement, j’ai géré toute l’épreuve avec calme et confiance. C’était agréable ! Après les éditions 2017 et 2018 où j’avais alternativement beaucoup souffert mentalement puis physiquement l’édition 2019 m’a apportée beaucoup de plaisir…et un petit peu de douleur quand même mais c’est inévitable.

Médéric, tu es l’un des rares rameurs à avoir boucler la traversée en moins de 6 heures et tu es le premier français à remporter cette course mythique, quels sentiments prédominent ?

Il y a 10 ans, quand j’ai participé à ma première classique je n’imaginais pas une seconde pouvoir gagner. En fait, jusqu’à l’année dernière je ne pensais pas pouvoir gagner ! Je visais le TOP 6 et c’était déjà un gros objectif pour moi, mais à l’arrivée de l’édition 2018 après avoir souffert le martyre pendant plus de 6h à cause de maux de tête et de douleurs cervicales, je n’étais qu’à 10 minutes du vainqueur. 10 minutes çà peut paraître beaucoup mais sur une course aussi longue et difficile ce n’est pas tant que ça ! Je me suis dit à ce moment « mais si j’avais été bien, je pouvais faire au moins 15 minutes de moins et gagner ! ». J’ai donc abordé l’édition 2019 non pas en me disant que j’allais gagner, mais en me disant que je pouvais gagner ! J’ai travaillé dur, très dur ! j’ai essayé de prendre du plaisir tout au long de ma prépa mais aussi tout au long de la course. Je suis très heureux et très fier d’avoir réussi. Écrire mon nom sur ce trophée légendaire, c’est extraordinaire ! Je suis aussi très heureux d’être le premier français à la remporter et j’espère que cela encouragera les prone paddlers français à se lancer dans de grandes courses et à s’entraîner dur… si j’ai réussi à le faire d’autres peuvent le faire aussi !

Quels sont vos prochains objectifs ?

Sandrine : Retour au SUP côté entraînement et compétition car les championnats de France de SUP se déroulent fin septembre. Ensuite, je vais me préparer pour le Watermana. Le dernier challenge de l’année sera le raid caritatif La Saharienne avec une amie, nous représenterons la Hope Team East, à condition de rassembler les fonds issus du mécénat nécessaire.

Médéric : Dans un premier temps on va se recentrer sur le SUP pour les championnats de France au Cap d’Agde, je vais essayer de tirer le maximum de mes fusées FANATIC pour aller batailler le podium des masters et faire au mieux en Open. Dans un deuxième temps j’aimerais beaucoup repartir au Watermana en polynésie, c’est une épreuve incroyable mais pour l’instant je n’ai pas de solution, j’étudie plusieurs options. Après j’ai bien sûr des projets pour 2020 mais il sera temps de les développer plus tard !

Crédit Photo Didier Leneil

Les résultats de la Catalina Classic 32 mile paddleboard Race

Retrouvez l’ensemble des résultats >> http://catalinaclassicpaddleboardrace.org/2019-race-results/

A propos de l’auteur

Marie Esnaola

Originaire du Pays Basque, Marie se tourne naturellement vers le sauvetage côtier, les courses de prone et le SUP après des années de natation. Passionnée de sport, elle organise des évènements sportifs et BtoB et accompagne les entreprises en webmarketing.