Ces quelques semaines de recul n’auront pas été de trop pour prendre la pleine mesure de ce qui s’est passé pendant le week-end de l’Ascension en Dordogne. David Tourenc raconte à TotalSUP sa deuxième participation consécutive à la plus longue SUP Race de France, la Dordogne Intégrale est ses 130 kilomètres!
La Dordogne Intégrale, la DI pour les familiers, est une « course » de dimension internationale. Les participants viennent des quatre coins de l’Europe et même au-delà pour parcourir les 130 km d’Argentat en Corrèze à Castelnaud-la-Chapelle en traversant le Lot au gré du cours du fleuve Dordogne.
Plus qu’une course, c’est une épreuve qui nous rend plus fort(e)s et que l’on partage avec tout ce qu’il y a de positif dans le partage. Il y a bien sûr le Chrono qui donne le classement. Mais finir, ou comme l’on dit dans les ultra trails être « Finisher », est le graal du jour que beaucoup atteindront, qu’importe le temps. Pour ceux qui n’iront pas au bout ce n’est pas démériter car s’être aligné au départ d’une telle épreuve est une déjà aventure.
La DI est historiquement un événement qui rassemblait des embarcations à rame depuis plus de 12 ans – 9ème édition, venues de tout horizon. On retrouve sur la ligne de départ pêle-mêle les classiques K1 – K2, Canoë de descente, Canoë canadien, mais aussi d’autres embarcations bien loin de leurs eaux d’origines avec des OC1, V1 et V6.
Dans un joyeux esprit d’ouverture, le SUP a été invité à se mêler à la fête. Il n’aura fallu que 4 éditions à la Dordogne Intégrale pour devenir, au fil de l’eau et des tracés GPS de ses concurrents, une Grande Dame dans le monde du SUP.
Trois pionniers en 2015, puis 25 en 2016, 100 en 2017 et un nouveau cap de franchi cette année avec 170 SUPeurs et SUPeuses. Devenue la classe la plus représentée, chacun y va de son option dans le choix du jouet : les prudents avec leurs gonflables, les raceurs en 12’6, les raceurs longue distance en 14’, les raceurs ambitieux en 18’ et UL.
On a même un ambitieux prudent, Marc Degreaf pour pas le nommer sur son magnifique 18’ gonflable. Et également des collectifs en tandem avec Sébastien Le Meaux tout juste rentré de Tahiti qui fait une confiance aveugle à Stéphane Leblond puisqu’ils vont s’élancer sur une autre course hors norme la Yukon River Quest – 750Km en SUP. On trouve aussi des collectifs pour la paix du ménage en couple, les timides/partageurs qui le font en relais comme Hélène Bonnan avec son cousin. Et même nos géo-trouvetouts sur leurs SNI (SUP Non Identifié) alias Olivier DRUT et Pierre De La Monneraye avec leurs SUP-Tri pour Olivier et son araignée d’eau pour Pierre un SUP muni de 4 petits flotteurs.
Tout ce petit monde se retrouvera dans un seul et même classement, Hommes, Femmes, Mariage pour tous/Tandem et relais. Après une édition 2017 sous la chaleur, 2018 était placée sous le signe des interrogations météorologiques. Dans ces circonstances, chacun s’est préparé au mieux ou du moins l’espérait en répondant aux inévitables questions :
Comment s’habiller : Short pour les froid-résistants ou comme Cyrille CurtitGuadeloupéen d’adoption ayant pris la Dordogne pour un îlet voisin de celui de Petite Terre (départ de Ze Race) ou coupe-vent, combi sèche pour les plus prévoyants ; Que prendre à manger : Barre-gel énergétiques, Banane, Sandwich, petites salades comme le Titi parisien Etienne Jacques ; Que prendre à boire, je ne doute pas que quelques bouteilles de « à boire avec modération » aient fait la descente.
Certains, faute de pouvoir embarquer un SUP de secours, se sont contenté d’une seconde pagaie ou bien d’un stock d’ailerons …
La Samedi, le départ annoncé à 6h00 pour les Stand up et 6h30 pour les sitting … ceci pour limiter la casse dans les premiers rapides. La première vague de SUP se positionne sur la ligne, la tension monte dans la pénombre, le traditionnel speech avec les derniers conseils, consignes de sécurités et la satisfaction d’être là tous ensemble …
A 6h05 le départ est donné … l’alignement n’a pas été bien respecté mais est ce bien important ? 130 km ça relativise bien des choses. Rive droite, Rive gauche : deux options. Ça pousse plus à droite contrairement à l’année précédente … mouvement de flotte vers la droite. Attention danger, entre les deux y a un ban de « gravière », premier avertissement ou déconvenue pour certains. Le niveau d’eau est vraiment bas cette année. Le passage des rapides est délicat, une bonne lecture du plan d’eau est un avantage certain. De plus, l’eau chargée d’alluvions rend difficile l’appréciation de la profondeur. Mon aileron coupé à 12 cm n’en sortira pas indemne. Le ciel est couvert, la pluie absente, la température est presque idéale pour ramer pour peu que vous ayez choisie la bonne tenue et que vous n’ayez pas fait de plouf à répétition.
6h30 les « Sitting » ont eu leur départ et ne tarde pas à remonter la flotte de SUP qui s’égraine au fil des rapides. Doubler, se faire doubler ou faire un bout de chemin de concert est l’occasion de se saluer, de discuter, de se demander d’où l’on vient et par là même réviser son Anglais, son Allemand, son Espagnol … bref partager.
La technique de franchissement des rapides varie quelque peu selon l’expérience : vous avez la force tranquille appliquée d’un Nicolas Fayol qui les passe droit dans ses chaussons. La technique du debout pas tranquille et plus encore la technique du canoë olympique, un genou à plat pont. Celle respectueuse du dojo assis sur tes tallons ou celle de la nage libre ont recueilli le plus de suffrages.
Pour les rapides incertains à faible profondeur, j’ai même sondé avec la pagaie ou avec un pied. Il faudra peut-être envisager de s’équiper de sondeur la prochaine fois! Des ravitaillements prévus par l’organisation jalonnent la descente en 5 points environ tous les 20/25 kms. Là encore les bénévoles les ont tenus de main de maître pointant le passage de chacun jusqu’à tard pour finir dans le froid sous la pluie et le vent.
Au 45ème kilomètre juste avant le second ravitaillement au niveau de Carennac à la pointe de l’île de la Prade, un autre temps fort, le passage délicat du saut que la plupart passeront par la section de portage aménagé par l’organisation. Le défi dans le défi était de le passer directement. Les deux espagnols qui me précédaient l’ont passé debout sans encombre en serrant bien à gauche. Conforté dans mon idée, je m’y jetai à mon tour sans la même réussite. Mes genoux s’en souviennent encore. Pierre qui était à mes côtés sur son araignée d’eau joua la carte de la prudence. Olivier avec son tri le passa brillamment plus tard tout comme Christian Hermouet dans leurs styles tout personnels.
Ensuite la fréquence des rapides s’espaça. Le lit de la Dordogne s’élargi peu à peu. Et le courant diminua de façon significative sur certaines sections.La fatigue fait son apparition comme la pluie autour du 70ème kilomètre. Tout d’abord légère comme le vent, ils ne sont pas trop gênant pour peu que l’on sache s’en abriter en jouant avec les berges. Le cap des 100 km franchi, la fatigue est un temps oublié.
Le moral en prend un coup quand on se fait rejoindre, puis doubler. Le doute s’installe sur le choix tactique : ai-je bien fait de ne pas m’arrêter ? On se réconforte en se disant que parmi eux il y a les seconds couteaux des équipes de relais.
Peu de temps avant le dernier ravitaillement vers Saint-Rome au 110ème km, la pluie et le vent s’intensifie sous un grain avec de violentes rafales. La fatigue aidant le froid se fait plus mordant. Je me résous à m’y arrêter pour revêtir le top néoprène que j’avais à la taille en prévision. Vraiment gelé, l’aide d’une personne m’est bien utile. Les derniers kilomètres vont se faire à un rythme de sénateur, tout au moral, avec comme but : finir et garder mon avance sur les copains que je sais derrière. La Roque Gageac, puis un dernier lacer et la ligne …
12h28min, 12h29min et quelques seconde le temps de souffler et de biper mon badge. 20 minutes de plus que l’année dernière, un peu déçu car je souhaitais passer sous la barre des 12 heures mais pas si mal que ça au vu des conditions. Ma NAISH Maliko 14×24 a fait la preuve de son extraordinaire polyvalence mais j’ai peut-être perdu un peu de temps l’ayant préféré au proto de 18’ d’Olivier. Je pense que peu de participants qui avaient un temps de référence on put l’améliorer. François Renault en passant d’une 12’6 à une 14’ a pu faire mieux.
Philippe Marchegay cette fois à l’arrivée avec un petit mot de réconfort pour chacun et pour nous assurer que malgré la fatigue de l’instant … nous y reviendrons.
Si la motivation de beaucoup n’était pas le podium, il n’en est pas moins vrai qu’il y a un classement avec un podium qui voit pour la 4ème fois consécutive monter Florent Dode (10h16min 15 s soit +/- ¾ heures de plus que l’année dernière) sur la plus haute marche. Avec ses victoires sur la 11 City Tour, Florent s’impose comme le Monsieur Ultra Longue Distance Français, ce qui l’enlève rien à sa simplicité et sa bonhomie. Derrière, une fois de plus l’on retrouve le Poulidor de la DI Franck Fifils(10h23min55s) qui malgré tout ses efforts au fil des années n’arrive pas à détrôner Florent et ce même en 18’ ou en UL. Pour compléter le podium l’indissociable ami et partenaire d’entrainement Olivier Darrieumerlou (10h27min22s) qui cette année était sur sa toute nouvelle 425. Le trio reste immuable.
A tout juste 11 minutes derrière le trio infernal, la très belle performance du tandem Stéphane LeBlond – Sébastien Meaux (10h38min38s). Sébastien est mal voyant et s’aligne aussi au départ de courses en solo avec un guide.
Chez les Dames, saluons Janneke Smits (11h43min37s) qui pour la seconde année consécutive remporte l’épreuve devant Micheline Hauchecone et Sabrina Chantry.
Saluons aussi les dernier(e)s finisher : Anna Maria Baizan Garcia (14h07min38s) et Jean-Baptiste Gautier (14h17min36s). Les quelques abandons ont été enregistré pour le premier au 70ème kilomètre et tout les autres au 87 et 110 km … la fin était proche. Bravo à vous.
Et on ne peut que saluer l’extraordinaire performance de Mathieu Chevalier (11h30min41s) et Olivier Lebrun (13h42min37s) qui ont réalisé les 130 km du parcours en prone.
Pour tout ce que les organisateurs et les bénévoles ont su nous offrir au travers de cet événement et de cette région la DI est résolument une Grande Dame.
N’hésitez pas à venir tenter l’aventure, nul besoin d’être un champion juste avoir du cœur.
Rendez-vous l’année prochaine pour les gourmands avec au programme 350 km entre Argentat et l’estuaire de la Gironde ou en 2020 pour la classique. Le Banquet de clôture vous y attendra.
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