C’est une belle histoire que Charlotte Dambrine nous raconte dans cette article, une histoire de revanche réussie et d’accomplissement. Charlotte, 35 ans, est architecte dans une agence qu’elle a co-fondé il y a 4 ans. Sportive, elle a pratiqué depuis toujours des sports tels que la gymnastique, le tennis, la danse classique puis jazz, la boxe française, le yoga, la course à pied… Charlotte s’est mise au stand-up paddle en découvrant le club du Grand Huit, à Lille, en 2013. Goutant rapidement ensuite aux joies du SUP race, elle a enchainé les compétitions telles que la Nautic Paddle en 2014, puis la GlaGla Race, et elle a commencé à augmenter les distances : les 35km du raid du Morbihan, les 55km puis 110km de l’Enfer de l’Ouest 55km, et puis la DI en solo. Investie depuis deux ans dans l’association Info Endométriose, Charlotte Dambrine est en charge des projets éducatifs, sociaux et sportifs, et a été elle même diagnostiquée de la maladie. Mais Charlotte a transformé ça en force, puisque désormais elle court avec une nouvelle motivation qui est de véhiculer un message positif et de résilience autour de l’endométriose. C’est donc en septembre 2021 que Charlotte participe pour la première fois à la Dordogne Intégrale, 130km, avec l’objectif d’en arriver au bout. Arrêtée au kilomètre 110, la voilà obligée de s’arrêter après des mésaventures qui ne lui permettront pas de passer la barrière horaire. 6 mois plus tard, en avril 2022, elle est de retour sur la compétition : mieux préparée, coachée physiquement et mentalement, bien décidée à les faire ces 130km ! Et avec sa nouvelle Itiwit Race 14×25, Charlotte Dambrine avait tout pour assurer… on vous laisse découvrir tout ça, mais il parait qu’elle est repartie avec une belle médaille de Bronze aux Championnats de France Ultra Longue Distance… 😉
Salut Charlotte ! Au printemps dernier, tu as participé à la Dordogne Intégrale avec un esprit de revanche par rapport à 2021 où tu avais été arrêtée avant la fin à cause des barrières temps. Peux-tu nous rappeler ce qu’il s’était passé ?
La difficulté d’une course comme la Dordogne Intégrale réside non seulement dans la distance à parcourir (130km) mais aussi dans le temps imparti pour la terminer. Septembre 2021, je n’avais effectivement pas terminé la DI, arrêtée au 110e km car j’étais en retard. C’est une mauvaise habitude 😉 J’ai pour habitude de réaliser mes courses en binôme avec Manu, et cette édition n’y a pas échappé. Je n’avais pas de difficulté particulière, j’étais classée 4e femme jusqu’à ce que nous soyons arrêtés par le directeur de course au ravitaillement des 70km. Manu s’est blessé plus tôt dans la course et pisse clairement le sang… Nous étions venus pour que chacun de nous puisse terminer cette course, j’ai fait le choix de l’attendre. Cette pause imposée de 1h30 nous empêchera de terminer la course.
Ton récit détaillé et passionnant de cette DI 2021 est toujours à écouter sur le Podcast Histoires de Sportif·ves by Decathlon. Du coup, comment t’es tu préparée à cette nouvelle échéance ?
J’ai d’abord ruminé mon échec, soyons francs même si 110km c’est déjà un truc de fou, ce n’est pas 130km. Mon côté perfectionniste a dégusté. Je me suis posée la question des motivations qui m’ont faites m’arrêter et attendre Manu. J’y ai trouvé de nouvelles réponses. J’avais peur de ne pas y arriver seule. Prendre conscience que la seule chose limitante, c’est la vison de soi, pas facile ! Mais une fois ce constat fait, la suite est allée en coulant de source : tout mettre en place pour n’avoir aucune raison de douter de moi et de mes capacités à terminer la DI 22. Habituellement, je suis plutôt du genre à me lancer sur des courses sans préparation, mais c’est me donner trop de bonnes excuses de ne pas y arriver. Finalement, l’édition 2021 et 2022 étaient très proches. Septembre – Avril : 6 mois entre les 2 courses. La DI 2021 a été finalement une très bonne préparation pour la DI 2022 ! J’ai sollicité Ludo Teulade pour un coaching personnalisé sur Mars à base de 2 ou 3 sorties semaines à la rame + mes entrainements course à pied et renfo. J’ai eu la chance d’être accompagnée par Mental’in, pour la partie préparation mentale. Nous avons bossé la visualisation qui sur moi marche très bien ! La partie alimentation qui m’avait faite défaut en 2021 et équipement ont également fait partie de mes préoccupations.
Avec tout ça, comment se sont passés ces 130km sur la Dordogne ?
Je n’avais pas été amenée à me remémorer la DI 2022 jusqu’à aujourd’hui. Et bien je n’ai que de bons souvenirs ! Cette année nous avions mieux géré le couchage et la préparation d’avant et pendant course. Nous avons eu la chance qu’un ami de Manu nous suive pendant toute la durée de la course : pas de stress pour prendre le bus la veille de la course, pas de stress sur la gestion des stocks, sur le matos qu’on pouvait lui abandonner ou lui demander, clairement solution ultra confortable ! Nous avons même eu le temps d’aller sur le site du départ gonfler les planches et rigoler avec les copains avant le diner de la veille de course.
Si je veux être franche, il y a quand même eu un petit stress lié au fait que je n’avais pas encore ma planche. Comme tu le sais, je suis accompagnée par Itiwit dans mes aventures. Ils devaient m’amener une planche car la mienne avaient quelques soucis de valves et nous nous sommes retrouvés quelques minutes avant le diner ! Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir qu’ils me ramenaient la toute nouvelle Itiwit 14×25 de 2022 ! Grande joie et petit stress : je ne la connais pas cette planche ! Les affaires ont donc été préparées la veille de la course dans le calme et la sérénité. Départ avec un bon petit déjeuner que nous avions préparé, on nous y reprendra pas ! Et c’est parti !
Malgré le ravitailleur, je suis partie, en tout cas je le pensais, avec tout ce qu’il me fallait en nourriture et eau. Comme la fois précédente, le départ est lancé et c’est tout de suite dingue. Qu’est-ce qu’ils sont tops les 35 premiers kilomètres ! Ca pousse fort, je suis bien ! Seul bémol, il fait froid au démarrage. Et comme je suis fainéante, je suis partie directement avec ma tenue de journée (short, baskets, tshirt et veste). Je réalise les longues distances en basket, les chaussons n’offrent pas assez de confort, au premier ravito, j’éjecte les chaussettes étanches trempées qui me donnent froid. Manu n’est pas derrière moi, après 10 min d’arrêt je repars.
Je sais, suite à la DI 2021, que je vais avoir le « coup de pas bien des 50km », je l’attends. Il n’arrive pas. Je suis, de loin, un concurrent bien meilleur que moi dans la lecture de la rivière, en tout cas je l’espère car je l’imite… Je m’hydrate, je mange en alternant sucré et salé et j’arrive aux 70km encore au top ! Je repars après avoir rempli ma poche et avoir pris 10 min à ricaner avec les canoés et ce monsieur que je copie. Pas de Manu, je continue.
Je sais aussi que le ravito des 88km est trop loin, je me prépare à l’attendre et sans doute à avoir mal partout. Je ne sens rien. Je ne sais même pas à quoi je pense. Je ne vois pas le paddler lièvre devant moi. Ça reste le tronçon le plus dur à gérer. Mais bizarrement il passe bien. Je vois Roseline devant, je la double alors qu’elle est en pleine crampe au pied. Et hop ravito, j’en reviens pas. Le corps tient mais surtout le mental tiens !
Je demande une bouteille supplémentaire au cas où à Mr Ravito, je change d’aileron et je pars rapidement. J’ai peur de la porte temps, même si j’ai 1h30 d’avance, on ne sait jamais, l’échec de 2021 résonne en moi. C’est reparti, la rivière redevient un peu plus fun, plus méandreuse, les paysages se resserrent. Et là catastrophe, je dois aller aux toilettes. Hors de question de m’arrêter avant les 110. Je « fonce ». A mon avis ce n’est plus qu’une impression après + de 9h de rame !
J’arrive aux 110. Ma montre me le dit, je vois ce ravitaillement où j’ai dû m’arrêter 6 mois précédemment. C’est la même équipe de bénévoles. Ils m’acclament, je chiale ! Je suis arrivée ! Il me reste 1h15 pour repartir ! C’est la teuf ! Je sais maintenant que je finirai la DI, joie immense de partager ça avec les bénévoles qui m’ont ramassé à la petite cuillère en septembre !
On mange des tucs, on boit de l’eau on se marre, et par chance, il y a un toilette public un peu + haut 😉 ! Je retrouve mon lièvre mais je ne vois pas mon Ravito j’essaie de l’appeler et là je comprends que Manu a du avoir un problème. On repart, le dossard 205 m’explique 2 ou 3 trucs que je devrais savoir sur les rivières, et nous filons. Ma montre s’éteint à 115km . L’angoisse, je ne sais plus où j’en suis. Il me dit « tu verras quand tu arrives tu sauras c’est magnifique » et il fonce pour atteindre l’objectif qu’il s’était fié de moins de 13h.
Je fais comme je peux, j’imagine l’arrivée. Je vois un village au loin accroché à la colline. Le soleil l’éclaire, c’est magnifique : je suis donc arrivée ?! Je pleure de joie en longeant les quais. Et je dépasse le village sans voir d’arrivée ……bah oui c’était Beynac… ! Après un virage, le vent me tombe dans le nez. La rivière s’élargit et là franchement, c’est dur. J’entends au loin du bruit, des micros, je vois une bouée. Je suis arrivée ! Manu et Notre Ravito sont là, Itiwit est là, je fond en larmes. Je l’ai fait ça y est. C’est incroyable à quel point une aventure comme cela se partage, ils n’étaient avec moi mais ils sont presque aussi émus que moi ! J’ai des frissons de revivre cette arrivée.
Charlotte à l’arrivée de la DI
Incroyable récit et superbe course ! Du coup comme planche, tu étais sur l’Itiwit Race 14×25, comment l’as tu trouvé sur de l’ultra longue distance comme ça ?
Tu l’auras compris, je valide totalement pour mon gabarit (1.72m-62kg) ! C’est une planche qui a très bien évoluée ! Niveau stabilité, confort, rigidité. Je n’ai pas eu de problème particulier pour les portages. Elle n’est pas légère pour une gonflable, mais la rigidité passe certainement par là. En revanche, il y a pleins de nouvelles prises qui en font une planche facile à manipuler. Petite nouveauté aussi le système de filet hyper bien foutu. J’y ait accroché mon barda, sans craindre que le filet craque dans les rapides, grâce au renfort central.
Niveau stabilité, je redoutais un peu, car sur le début de la DI 2021, le modèle précédent et le petit aileron m’avait rendu les premiers km un peu sportifs mais là elle passe super. La planche a beaucoup gagné en stabilité et en confort.
Niveau maniabilité et réaction, elle est top également. J’ai mis 13h05 avec cette planche, ce qui en fait une belle concurrente des rigides qui terminent juste devant moi avec des rameurs expérimentés.
Niveau pagaie tu avais laquelle ?
Je ne suis pas vraiment à la page niveau pagaie. Je rame avec une pagaie que j’ai acheté d’occaz il y a 1 an. C’est un JP Australia Carbone taille de pale M. J’ai enfin accepté de travailler en cadence et non plus en force comme j’avais l’habitude de le faire précédemment avec une pale L. Il faut accepter de vieillir 😊 J’étais sujettes aux douleurs au niveau des coudes avec ma précédente pagaie, descendre en taille m’a permis de n’avoir aucune douleur articulaire.
Photo : Marie Dubrulle
Finalement, tu as terminé troisième de la Dordogne Intégrale, et gagné au passage la médaille de bronze des Championnats de France Ultra Longue Distance 2022 ! Surprise de ce résultat ?
Carrément. Je t’avoue que je n’avais pas regardé la grille féminine au départ. L’enjeu pour moi était de terminer cette course et basta. A mon arrivée, je ne savais pas qui était devant moi, qui était derrière moi. J’avais fait le choix de ne pas regarder mn téléphone comme l’édition précédente pour ne pas me mettre de pression. J’ai cru entendre quelque chose au micro en arrivant, mais j’étais tellement submergée par l’émotion que je n’en suis même pas certaine.
Il me semble que c’est Philippe qui m’a annoncée mon classement lorsque je remontais. Incroyable. Mais tu sais ce qui est le plus incroyable, c’est l’émotion que cette 3e place a suscité chez les autres ! Il y a quelque chose de vraiment unique à partager ce bonheur. Je suis super fière. C’est une belle revanche. La 2e est 1h devant moi, et la première 1h30, j’ai encore de beaux axes de progressions.
Ce qu’il faut savoir, c’est que tu as été diagnostiquée atteinte d’endométriose à l’âge de 26 ans. Comment se manifeste cette maladie dans ta pratique sportive et dans la vie de tous les jours ?
Il y a autant d’endométriose qu’il y a de femmes atteintes, ce qui en fait une maladie compliquée à diagnostiquer. Pour ma part, j’ai certains ligaments touchés ce qui avait rendu des efforts tels que embrayés difficiles voir impossibles lors de crises. J’avais beaucoup perdu en mobilité et souplesse.
A ce jour, j’ai beaucoup de chance car je ne souffre plus autant qu’avant. J’ai modifié profondément mon hygiène de vie pour gagner en qualité de vie : sport, alimentation, arrêt du tabac et limitation des choses inflammatoires tel que l’alcool. Concernant l’impact sur ma pratique, j’ai accepté que je ne pouvais pas faire les mêmes choses selon les phases de mon cycle et notamment juste avant mes règles. J’évite la course à pied et le HIIT à ce moment et je privilégie un sport moins traumatisant tel que le yoga ou du renfo haut du corps. Faire avec ce que l’on a !
“Toujours là.” campagne de sensibilisation et d’information de l’association Info-Endométriose
Est-ce que le sport, et en particulier le paddle, peut aider à mieux supporter cette maladie ?
Je ne suis pas experte en la matière, uniquement éclairée mais il me semble bien que le sport aide. Pour moi en tout cas, cela fonctionne. L’endométriose crée des adhérences là où elle se met. Le mouvement permet de maintenir une certaine mobilité des tissus. Le paddle est un sport non traumatique, sauf quand on fait 130km 😊 ! Il n’y a pas d’impact, c’est un sport qui traite l’ensemble des groupes musculaires principaux et profonds. Il est en ça excellent pour le maintien. Le sport réduit également les états inflammatoires, ce qui est tout l’enjeu dans le cadre de l’endométriose. Donc quelque part, peu importe le sport ! L’idée est de se soulager via le mouvement. Ce n’est pas une solution miracle mais ça m’a aidée. Il faut accepter que cela sera difficile au début, pour ma part, un 10km était devenu un calvaire en 2016, et aujourd’hui je me surprends à écrire que je n’ai que de bons souvenirs sur 130 !
Charlotte au départ de la DI
Maintenant que la DI, c’est fait, prévois-tu une nouvelle aventure pour 2023 ? Sur un paddle ? … peut être la DI 360 ?
Il y a encore quelques mois, je t’aurais dit : GO pour la 360 ! J’ai aujourd’hui des impératifs personnels et pro qui ne me permettent pas de m’entrainer comme il faudrait. Je vais éviter de me donner une raison de ne pas finir 😉 En revanche, j’envisage sérieusement le 11 City Tour en Septembre !
Merci Charlotte pour tes réponses, et on suivra ça de près si tu te lances dans le 11 City Tour !
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